Foire du Trône : pas de fatalité !

Un policier est mort lundi 9 avril lors d’une intervention dans une bagarre sur un manège. De retour de congés, j’ai voulu me rendre compte de la situation et j’ai passé plus de 3 heures sur place aujourd’hui, à discuter avec la plupart des personnes concernées : forains, policiers, bénévoles de la protection civile, personnel de la Ville de Paris, employés de la société de gardiennage.

La première impression que l’on ressent lorsque l’on s’approche du manège « meurtrier » c’est tout d’abord une évidence au plan de la sécurité. L’espace entre la nacelle qui a heurté mortellement le policier et la file d’attente dans laquelle la bagarre a éclaté est particulièrement peu important. Face à une nacelle qui arrive à 120 km/h aux dires mêmes du manège, il est invraisemblable qu’il n’y ait pas plus d’espace. De même il est pour le moins surprenant que le manège n’ait pas été arrêté pendant la bagarre. Certes l’inertie du manège ne garantit pas un arrêt instantané mais on peut se demander pourquoi il n’y a pas de système d’arrêt d’urgence.

Les bénévoles de la protection civile m’ont déclaré intervenir environ 15 fois par jour en moyenne, la plupart du temps pour des petits bobos mais ils estiment cependant que certains manèges posent question au plan de la sécurité. Ce sont toujours les mêmes qui sont à l’origine de traumatismes plus ou moins graves.

Par ailleurs il semble évident qu’il y a un problème plus global.

Ainsi le jour de la mort du policier, plus de 100 000 personnes se sont rendues à la Foire du Trône ! En tout et pour tout il y avait moins de 45 policiers, dont près de la moitié était occupée à des tâches ne leur permettant pas d’intervenir en cas de besoin. Comment faire face dans ces conditions au moindre problème. Or depuis l’ouverture de la Foire, les autorités ont été alertées sur un phénomène inquiétant de bandes venues pour en découdre. Malgré cela rien n’a été fait. Il a fallu la mort d’un policier pour que du jour au lendemain, les effectifs soient revus à la hausse. Lors d’un affrontement un soir, ce sont les forains qui sont intervenus pour dissuader une bande de régler ses comptes !

Je ne crois pas que la présence massive de la police soit une réponse systématique à apporter mais lorsqu’il y a des rassemblements d’une telle ampleur on sait que certains en profite. On l’a vu lors des manifestations anti-CPE. L’angélisme n’est pas la réponse. Il faut savoir prévenir par la dissuasion, sans intervention outrancière préventive comme dans les banlieues dans lesquelles les contrôles d’identité font office de règles de conduite, mais en étant simplement présent pour garantir la sécurité des personnes. Encore aujourd’hui, plusieurs agressions à l’arme blanche ont été perpétrées.

Pendant ce temps Sarkozy mobilise 326 CRS pour aller visiter la banlieue de Meaux, dont le maire est son copain JF Copé !

Ce qui m’a le plus frappé c’est surtout l’attitudes des policiers. J’ai rencontré ceux qui étaient en poste le lundi soir funeste. Ils étaient encore sous le choc de la mort de l’un d’entre eux, jeune père de famille, mais surtout choqué par l’attitude de leur hiérarchie. Celle-ci s’est empressée de parler d’un accident pour ne pas mettre en cause la politique menée par le ministre de l’Intérieur. C’est du moins leur analyse. J’avais rarement entendu pareil témoignage à charge contre la hiérarchie policière.

Ainsi le chef de secteur, venu sur place assez tardivement, n’a rien trouvé à dire d’autre que de critiquer les caméras de surveillance qui avaient des angles morts ! Comme lui a répondu le brigadier, ce n’est pas l’angle qui est mort mais un collègue !

De même un responsable médical a reproché à la protection civile de n’avoir pas tenté de réanimer le policier alors que celui-ci était à l’évidence mort.

Le mépris dont on fait preuve ces personnes ont davantage marqué les esprits que le drame lui-même.

J’ai aussi discuté avec des forains et là j’ai pu constaté le fossé entre eux. Alors que certains se plaignent du manque à gagner pour l’exploitant du manège (arrêté sur décision du procureur) d’autres considèrent qu’il faut revoir toute l’organisation de la Foire, en impliquant les forains de façon plus démocratique sans se limiter aux porte-parole habituels. Cependant tous ont participé à une collecte de solidarité pour la famille du policier.

Il est évident que la Foire du Trône n’est pas à sa place sur la pelouse de Reuilly. Trop de monde sur une superficie trop petite pendant une période trop courte. Il faut revoir la conception et la localisation. Il faut donner aux services de sécurité (notamment à la protection civile) des conditions de travail dignes. Il faut limiter les capacités d’accueil pour éviter cette surconcentration, quitte à étaler la Foire sur une période plus longue. Il faut revoir les conditions de choix des forains et manèges pour éviter tout clientélisme et favoritisme.

Je sais que les Verts du 12ème arrondissement y travaillent activement. Il serait bien que les responsables parisiens de la Foire du Trône fassent de même.


europe1 foire du troneLa foire du Trône pourrait s’intaller sur un autre terrain, interview sur Europe 1, 15 avril 2007

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