Lors de la séance du Conseil de Paris du 27 mars, la maire de Paris a proposé un nouveau plan d’action pour améliorer la propreté de Paris.
Voici l’intervention que j’ai prononcée :
Madame la maire, mes chers collègues,
La propreté de Paris est au cœur des préoccupations des usagers de Paris depuis de très nombreuses années. En effet, comme vous le dîtes dans votre communication, la propreté doit être une priorité au même titre que la sécurité.
Je dirais même que la propreté est un facteur positif sur le sentiment de sécurité. Toute personne qui passe dans un quartier sale se sent nettement moins bien que lorsqu’elle traverse un espace propre et bien entretenu.
Alors la question se pose : Paris est-elle plus propre ou moins propre que d’autres métropoles, voire d’autres villes, et la situation s’améliore-t-elle ou se dégrade-t-elle ?
Je me souviens d‘une période, pas si lointaine, où l’on parlait dans les journaux japonais de Paris, capitale des crottes de chiens. C’était avant 2001 et pourtant le budget consacré au ramassage des crottes de chiens était très important pour une efficacité très faible. Comme quoi tout ne dépend pas des sommes investies si elles ne le sont pas à bon escient.
C’est pourquoi dès 2001 il a été décidé de changer de méthode et de réorganiser les services de la propreté, de s’appuyer sur la sensibilisation des usagers de Paris, de ne pas hésiter à verbaliser les comportements inciviques et de mesurer les résultats.
Ainsi les plans de propreté ont été révisés, des équipes de soirée ont commencé à être mises en œuvre notamment dans des quartiers difficiles du 18è arrondissement, la sensibilisation des propriétaires de chiens (première source de plaintes) a fait l’objet d’un plan considérable, et enfin nous avons décidé de ne plus tolérer les manquements au règlement sanitaire départemental.
Les résultats ont été en grande partie au rendez-vous-même s’ils n’ont pas permis de faire cesser les polémiques politiciennes assez classiques en la matière.
Certes tout n’a pas été parfait. La co-construction avec les maires d’arrondissement a notamment été refusée par tous les maires de droite sauf Pierre Christian Taittinger qui avait compris tout l’intérêt d’une association entre la mairie centrale et la mairie d’arrondissement.
Pourtant l’amélioration sensible de la propreté à Paris a pu être mesurée année après année grâce au baromètre de la propreté décidé dès 2002. Reposant sur une vaste enquête auprès de 4 000 Parisiennes et Parisiens, il a permis d’ajuster régulièrement les priorités.
Et pourtant tout cela s’est produit dans un contexte particulièrement difficile puisqu’il a fallu supprimer toutes les corbeilles de rues au lendemain de l’attentat du 11 septembre à New-York.
Si j’ai tenu à faire ce petit rappel c’est pour montrer que les propositions que vous faîtes s’inscrivent dans une continuité, continuité indispensable si l’on veut que les effets se fassent sentir.
Changer sans arrêt de politique au gré des renouvellements démocratiques ne peut que ralentir cette progression.
Or à cet égard il faut bien avouer que nous avons eu quelques surprises désagréables au cours du précédent mandat, des remises en cause de moyens humains ou matériels, des changements de priorité mal expliqués, et pour finir, une nouvelle dégradation de la situation.
Vous reprenez donc à votre compte la politique entamée en 2001 et nous ne pouvons que nous en féliciter.
La propreté d’une ville repose avant tout sur la prévention, l’éducation, le respect de l’espace public, bien commun comme vous le dîtes. Trop souvent l’espace public est vécu comme n’appartenant à personne et donc personne ne s’en sent responsable. Combien de fois n’a-t-on entendu « je paie des impôts pour que d’autres nettoient », phrase qui dénote un sens aigu de l’égoïsme et une incapacité à développer le sens du vivre ensemble.
L’information et la sensibilisation doivent donc prendre toute leur place dans la lutte contre les incivilités.
À cet égard nous approuvons votre volonté de reprendre la politique de coopération avec l’éducation nationale pour actualiser le kit pédagogique conçu en 2006 qui comprenait à la fois un cahier pour l’enseignant et un cahier pour l’élève. Car c’est dans l’enfance, dans l’éducation aux règles collectives et partagées que se forgent les comportements des futurs adultes. Face à l’individualisme porté comme un talisman par les tenants du libéralisme, il faut au contraire développer ce sens de la solidarité vis-à-vis des biens communs, vis-à-vis des espaces partagés, vis-à-vis tout simplement des autres.
De même associer les conseils de quartiers, les associations, les citoyennes et citoyens sera bénéfique à tout point de vue. J’ai d’ailleurs pu me rendre compte que lorsque par exemple on confie aux conseils de quartier le soin de noter la propreté, leurs notes sont souvent meilleures que celles données par les professionnels qui ont un regard plus exercé, plus exigeant.
Cependant dans votre énumération des acteurs de la propreté, nous aimerions que vous ajoutiez le million de personnes qui vient travailler tous les jours à Paris sans y habiter. Il s’agit là en effet d’un défi considérable. Qu’il s’agisse de celles et ceux qui profitent à juste titre de leur présence à Paris pour y déjeuner au soleil l’été, dans un jardin ou le long de la Seine, qu’il s’agisse de celles et ceux qui veulent profiter de la vie parisienne en soirée ou la nuit, qu’il s’agisse enfin des touristes, le nombre d’usagers de passage est considérable et il ne faut pas les oublier. Certes vous mettez en avant la formation à la langue anglaise mais cela ne saurait sans doute suffire. Nous pensons qu’un travail avec l’office du tourisme, les hôteliers, les voyagistes est aussi nécessaire comme il faut sensibiliser les salariés via leur entreprise.
Je ne peux que regretter à cet égard qu’un arrêté municipal imposant la pose de cendriers devant tous les bistrots ait été bloqué alors qu’il aurait sans aucun doute limité le nombre de mégots sur l’espace public.
Car en la matière il faut mettre à disposition des moyens pour que personne ne puisse justifier un comportement incivique.
On l’a constaté de façon éclatant lorsque les sanisettes sont devenues gratuites : leur fréquentation a explosé. De même la multiplication des corbeilles de rues a permis de répondre aux objections justifiant le jet à terre de nombreux détritus.
Mais ce qui est vrai pour ces dispositifs doit l’être aussi pour les moyens humains. Au cours des exercices passés nous avons souvent insisté sur l’urgente nécessité de renforcer les effectifs car il est illusoire de croire qu’on peut les diminuer ou même les maintenir à leur niveau actuel pour obtenir une réelle amélioration.
Comme vous le soulignez, les usages ont changé, les rythmes de vie également, sans oublier l’augmentation du nombre d’usagers de Paris.
Certes la mécanisation peut pallier partiellement le manque de personnels mais cela ne suffit pas.
Alors nous soutenons sans réserve votre annonce de renforcer de 100 agents les effectifs de la DPE. Nous en serons à plus 260 alors que nous avions dit qu’il en fallait plus 600.
Nous souhaitons évidemment que les renforts d’effectifs affectés d’abord aux quartiers qui en ont le plus besoin. Certes il y a les quartiers touristiques surtout avec les ouvertures dominicales qui nécessitent des moyens supplémentaires et on aimerait d’ailleurs savoir quelle est la contribution de ces commerces au surcoût pour la Ville et donc les contribuables parisiens. Mais il y aussi les quartiers moins chics qui ne sont pas toujours traités comme ils le méritent. Une attention toute particulière doit y être portée.
À cet égard il nous parait indispensable de se doter des moyens nécessaires pour que la propreté soit assurée partout y compris si c’est difficile. Les comportements inciviques ou sous l’emprise de l’alcool de certains consommateurs ne sauraient justifier que les riverains n’ont pas droit à la propreté.
Enfin il faut évoquer la verbalisation.
Dans le JDD du 12 mars vous vous félicitez du nombre de PV dressés en 2016 : 35400.
C’est une bonne nouvelle car sans verbalisation nous savons que les autres mesures ne sont pas aussi efficaces.
Lors de la campagne de 2001 contre les crottes de chiens, le montant de l’amende était de 183€. Il a malheureusement été fortement réduit depuis et cela explique en partie pourquoi les incivilités sont reparties à la hausse.
Car payer 183€ pour un mégot, un emballage de fast-food, une crotte de chien, un dépôt sauvage, cela est cher. Très cher. Et donc cela se traduit par un meilleur comportement des usagers.
En 2005 nous avions dressé déjà près de 36 000 PV, preuve que la détermination de la municipalité est une condition sine qua none de la réussite. Alors sans hésiter nous soutenons votre volonté de renforcer les moyens affectés à la lutte contre les incivilités dès lors qu’elle se conjugue avec les autres actions envisagées.
Vous l’avez compris, Madame la Maire, nous sommes favorables, très favorables, à une nouvelle étape en matière d’amélioration de la propreté à Paris.
Vos propositions vont dans la bonne direction, les axes sont pertinents.
Il faudra néanmoins sans doute faire encore plus si l’on veut que Paris devienne une référence en matière de propreté.
Vous pouvez compter sur notre soutien et notre vigilance à cette fin.
Je vous remercie.