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L’eau : un bien universel, qui doit rester hors marché

Lundi 24 novembre, le Conseil de Paris a délibéré sur la remunicipalisation de l’eau. Très bonne démarche, qui vise à rendre au service public la distribution de ce bien qui n’aurait jamais dû être privatisé. Reste qu’un grand nombre de questions se pose toujours.

Voici le texte de l’intervention que j’ai fait devant le Conseil de Paris ce lundi :

« Monsieur le Maire, mes chers et chères collègues,

Le 26 avril 1974, lors de la campagne des élections présidentielles, René Dumont créait un événement qui a marqué les mémoires, en déclarant à la télévision : « Nous allons bientôt manquer de l’eau et c’est pourquoi je bois devant vous un verre d’eau précieuse ». Hélas ses prévisions, comme souvent celles des écologistes, se sont révélées exactes.

Selon la FAO, ce sont plus d’un milliard d’être humains qui n’ont pas accès à une eau propre pour satisfaire leurs besoins quotidiens de base et 40% de la population mondiale soit près de 2 ,7 milliards de personnes qui sont concernées par une pénurie d’eau. Les premières guerres pour l’eau ont commencé en Afrique et comment ne pas se rappeler qu’un des enjeux du conflit Israélo-Palestinien est aussi l’accès au Jourdain. Faut-il ajouter à ce sombre tableau que dans le monde chaque jour, 3 800 enfants meurent de maladies liées à un manque d’eau potable. Pendant que nous allons débattre de l’eau potable à Paris, plus de 300 enfants mourront de ce manque d’eau.

Il s’agit donc d’une question grave que l’on ne saurait traiter à la légère, au prisme d’une analyse politicienne ou d’intérêt mineurs. La France elle-même n’est pas totalement à l’abri de difficultés tant les pompages massifs liés à une agriculture déraisonnable dans un contexte de dérèglement climatique, entraînent de plus en plus souvent des alertes à la sécheresse. C’est dans ce contexte grave que se situe notre débat.

A Paris, la consommation d’eau potable diminue régulièrement et cela constitue une excellente nouvelle. La première raison est la prise de conscience des industriels qui mettent sur le marché des appareils électroménagers qui consomment de moins en moins d’eau. L’annonce de la production de lave-linge fonctionnant totalement sans eau est porteuse d’espoirs dans ce domaine.

La seconde raison est aussi une prise de conscience, celle des citoyens qui acceptent de moins en moins la surconsommation et modifient en conséquence leurs comportements. De plus le récent décret du 21 août 2008 permettant de ne plus recourir à l’eau potable pour les toilettes ou l’arrosage des jardins est tout à fait intéressant car il va encourager la diminution de la consommation d’eau potable. Tout cela va dans la bonne direction et nous devons considérer que dans l’avenir il faudra produire de moins en moins d’eau potable.

Alors dans ce contexte général faut-il municipaliser la distribution de l’eau potable ?

OUI, cent fois OUI !

L’eau est un bien précieux, universel sur lequel il est immoral de vouloir dégager des profits financiers. C’est comme si on acceptait de vouloir faire de l’argent sur l’air ou le soleil !

Pourtant la délibération qui nous est proposée soulève des questions. Tout d’abord la tendance à la diminution de la consommation ne semble pas avoir été intégrée sur une longue période. Nous aurions aimé savoir comment la Ville envisage de réduire la production à moyen et long terme. Ira-t-on vers une fermeture d’une ou plusieurs usines de potabilisation des eaux de surface ? Prélèverons-nous moins dans les nappes ou les sources ? Il va de soit que l’alternative n’est pas neutre, tant au plan environnemental que social. A moins que pour faire face à la rentabilité financière le choix soit fait de manière implicite d’accroître la consommation d’eau potable même lorsque cela n’est pas justifié. J’y reviendrai.

La deuxième interrogation concerne le choix même de créer un EPIC et de lui confier toutes les attributions proposées. Certes la distribution d’eau potable ne peut relever d’un EPA d’après la loi et la régie municipale soulève des questions complexes. On aurait donc été moins dubitatifs si l’EPIC proposé n’avait eu en charge que la production et la distribution de l’eau potable. Mais en faisant passer de la régie municipale à un EPIC l’eau non potable ou le CRECEP ne sont peut-être pas les meilleures idées possibles. N’a-t-on pas vu les activités du CRECEP se réduire comme peau de chagrin (même si on peut évidemment admettre que le changement de statut n’a pas été la seule raison de sa déconfiture financière) ?

De même, qu’est-ce qui justifie de faire passer sous statut commercial l’eau non potable ? Nous sommes très inquiets sur ce dernier point et c’est le sens du vœu que nous avons déposé. En effet une étude récente dont nous avons eu connaissance, recommande l’abandon du réseau d’eau non potable et le lavage des rues ou des égouts ainsi que l’arrosage des jardins (sauf le parc des Buttes Chaumont, le parc Montsouris et les bois) avec de l’eau potable. Ce rapport est tellement orienté, manichéen, s’appuyant sur des affirmations non étayées, réécrit qui plus est par celui qui se bat depuis des années pour supprimer ce réseau que nous ne pouvons pas ne pas nous inquiéter.

Il semble bien que face à la baisse de la consommation d’eau potable, la seule solution envisagée pour ne pas poser la question de la production soit d’utiliser massivement l’eau potable pour les usages jusque là réservés à l’eau non potable. A l’heure où les lois Grenelle et les orientations dans le monde entier vont à la réutilisation des eaux pluviales ou non potables, Paris va-t-elle se singulariser en étant à contre courant ? Le Conseil de Paris, dans sa grande sagesse et à l’unanimité a voté un vœu de maintien du réseau d’eau non potable et l’extension de ses usages en novembre 2007. Un an après va-t-on nous demander de nous renier collectivement en proposant des études pour voir si le maintien se justifie ou non ?

Pour en revenir au choix du mode d’exploitation, le choix de l’EPIC implique un strict équilibre budgétaire des recettes et dépenses et l’interdiction absolue d’une subvention de la Ville. La conséquence en est l’application du principe que l’eau doit payer l’eau. Autrement dit on en revient à nier qu’il s’agisse d’un bien universel dont personne ne peut se passer même s’il n’a pas les moyens de payer. On est bien loin de l’application des principes selon lesquels les besoins élémentaires devraient sortir du champ du marché.

Comme la consommation de l’eau diminue régulièrement et que les coûts fixes représentent environ 85% du prix de l’eau, le mètre cube consommé va voir son prix augmenter sensiblement. L’exécutif s’étant engagé à la stabilité du prix de l’eau relevant de sa seule compétence, il va falloir trouver une solution pour ne pas déséquilibrer le bilan de l’EPIC. Quelles sont donc les pistes qui sont proposées ? Sachant que ce ne sera du côté du CRECEP que des recettes nouvelles et importantes sont à rechercher on ne peut que se poser des questions ?

Nous avons prix note avec satisfaction de la volonté affirmée de mettre en place une tarification sociale. Nous regrettons toutefois que cela ne soit pas concomitant à ce débat car nous aurions eu une vue d’ensemble plus cohérente. Pour les Verts il faut accélérer cette mise en œuvre car les factures d’eau, tout comme celles de l’énergie, s’envolent de plus en plus.

Enfin nous nous interrogeons sur le périmètre d’intervention de l’EPIC. Il y a quelques temps, en mars 2008, le président du SEDIF a lancé un appel à l’ensemble des services publics d’eau franciliens afin de mutualiser les moye

ns de production face à la surproduction. Bien que n’ayant aucune hésitation ni illusion sur les arrières pensées de M. Santini qui se fait le chantre de la privatisation tous azimuts des services publics, force est de constater qu’il s’agit là d’une vraie question. Nous allons débattre demain matin du syndicat Paris-Métropole. Comment ne pas admettre que l’intercommunalité dans le domaine de l’eau prendrait tout son sens. Certes il faudrait que les structures de décision soient plus démocratiques qu’au sein du syndicat présidé par A. Santini mais néanmoins cette évolution nous semble inévitable si nous ne voulons pas rester en surcapacité et donc avec des gâchis environnementaux et financiers. Nous souhaitons donc que ce débat s’ouvre rapidement et que des études sur cette question soient lancées sans attendre.

Avant de conclure, je voudrais dire à quel point nous serons vigilants sur la question de l’évolution de prix de l’eau, sur les aspects sociaux de cette municipalisation et évidemment sur les questions environnementales. Je l’ai dit avec force, nous sommes heureux que la mairie de Paris donne un signal politique sur le retour au public de la gestion de l’eau potable. Nous voterons donc sans aucune hésitation cette délibération en espérant que cette démarche s’inscrit dans une cohérence d’ensemble pour la défense des services publics et que dès le mois prochain nous assisterons à une même volonté en ce qui concerne la collecte des déchets.

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