Les étonnantes conclusions du Conseil Constitutionnel : « Trichez et vous serez blanchis si vous obtenez un bon résultat ».

Le Conseil Constitutionnel est juge des élections législatives. Il se prononce donc sur les contestations portées contre l’élection de tel ou tel candidat.

Cette année le Conseil a été saisi de 296 demandes d’annulation dont la mienne concernant l’élection de M. Buon Tan dans la 9è circonscription de Paris.

Ma demande s’appuyait sur la violation d’une disposition essentielle du code électoral qui interdit tout financement, direct ou indirect, d’une campagne par une personne morale.

Le texte de l’article L. 52-8 du Code électoral et notamment son alinéa 2 est particulièrement précis :

Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.

Par service il faut entendre évidemment tout ce qu’une personne morale (entreprise, commerçant, association, etc.) est susceptible de faire pour aider un candidat sans le facturer au prix du marché.

Or M. Buon Tan ne s’est pas privé de faire appel à des dizaines de commerçants leur demandant d’apposer son affiche de campagne sur leur vitrine, devanture, porte, etc.

Les nombreuses photos prises à cette occasion suffisent à montrer l’ampleur de la fraude. Le Parisien a d’ailleurs publié un de ces photos pour illustrer un article dans son édition du 23 juin.

 

A l’appui de ma requête j’ai adressé au Conseil constitutionnel pas moins d’une quarantaine de photos prises parmi les commerçants du XIIIè arrondissement.

Or le Conseil constitutionnel, en décidant de rejeter ma demande, n’a même pas analysé la requête en fonction de l’article du code électoral cité mais s’est contenté de reprendre une jurisprudence ancienne et constante à propos de l’affichage sauvage, c’est-à-dire en dehors des seuls panneaux électoraux disposés devant les bureaux de vote.

La jurisprudence en la matière considère que ce type d’affichage n’a pas un impact important sur les résultats sauf s’ils sont très serrés.

A chaque fois qu’un candidat a un écart de voix suffisamment important, le Conseil Constitutionnel valide l’élection, s’asseyant allègrement sur la loi qu’il est pourtant censé faire respecter.

Mais dans le cas présent, le Conseil Constitutionnel va nettement plus loin puisqu’il fait semblant de ne pas voir qu’il ne s’agit pas d’un affichage sauvage mais d’un affichage qui devrait être payant et donc assimilable à une publicité.

Il crée donc une jurisprudence nouvelle en permettant dorénavant aux candidats de faire indirectement financer leur campagne par des commerçants, associations ou autres personnes morales.

Au moment même où le Parlement débat d’un projet de loi de moralisation de la vie politique, il était difficile de faire un pied de nez plus fort que celui-là.

Il est vrai qu’en la matière le Conseil Constitutionnel n’en est pas à un coup d’essai. N’avait-il pas validé le compte de campagne de Jacques Chirac pour l’élection présidentielle alors que tout le monde savait qu’il avait largement dépassé le plafond de dépenses autorisées.

A la suite de ce scandale, il a d’ailleurs été décidé que dorénavant ce serait la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques) qui serait chargée d’examiner les comptes des candidats. La différence est sensible puisque le compte de campagne de Nicolas Sarkozy a ainsi été rejeté par la CNCCFP, ce que n’aurait certainement pas osé faire le Conseil Constitutionnel.

A ce jour, M. Buon Tan n’est toutefois pas à l’abri définitivement. En effet j’ai également saisi la CNCCFP de la fraude et il est probable que la CNCCFP sera plus stricte que le Conseil Constitutionnel si on se fie à sa propre jurisprudence.

Les élections législatives dans la 9è circonscription ont vu s’affronter les tenants du changement pour le changement, sans programme précis, mais avec un discours sur le renouvellement, porté notamment par M. Buon Tan.

En face, Claire Monod a fortement mis en avant les questions d’éthique, de responsabilité, de transparence. Elle a insisté sur la cohérence entre les discours et les actes. On voit à quel point elle avait raison.

En tout état de cause, si M. Buon Tan devait être maintenu dans sa fonction de député, il est certain que toutes ses prises de position seraient entachées par la fraude commise pour se faire élire, surtout en revendiquant son étiquette LREM prônant le renouvellement des pratiques, la probité, l’exemplarité.

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