Le Conseil de Paris du 28 mars a eu à son ordre du jour la concession au groupe LVMH de l’ancien musée des Arts et Traditions Populaires situé dans le bois de Boulogne.
Le projet consiste à transformer le bâtiment de Dubuisson en une extension de fait de la fondation LVMH sous couvert de valorisation des métiers d’art.
Le dossier de présentation en Commission des Sites a permis d’avoir un aperçu du projet (Cf. ci-dessous).
Voici l’intervention que j’ai prononcée :
Madame la maire, mes chers collègues,
Par-delà les questions de démocratie et juridique soulignées par David Belliard, il faut également regarder les autres aspects de ce projet. Sandrine Mées parlera des aspects soi-disant culturels et je me concentrerai donc sur les aspects architecturaux et patrimoniaux.
Pour ce faire le plus évident serait de lire le rapport de l’inspecteur des sites et celui de l’architecte des bâtiments de France tels qu’ils ont été présentés lors de la réunion de la commission des sites le 23 mars.
C’est peu dire qu’ils sont dévastateurs pour le projet.
Ainsi contrairement à la charte des bois et même à la réglementation sur les sites classés, l’inspecteur des sites souligne l’augmentation de la surface imperméabilisée et de l’emprise au sol, contrairement au discours tenu.
Il met en évidence que la création d’une salle de spectacle de 4 000 places n’est pas conforme à la destination du bois de Boulogne telle qu’est définie par la loi de 1857 qui précise que les bois sont destinés à la promenade. Cette destination sera d’ailleurs confirmée régulièrement notamment lors de l’arrêté de classement de 1957, de la décision du Conseil d’Etat de 1979 ou encore lors de l’arrêté du Préfet de police de 2012 qui fera d’ailleurs référence à la charte des bois, lui conférant de facto une portée juridique.
L’inspecteur des sites met également en exergue les contradictions avec la construction de la fondation LVMH puisqu’il a été annoncé que l’émergence de la canopée était une des vertus de ce bâtiment, sous-entendant que le maintien du bâtiment des ATP n’était pas envisagé. C’est d’ailleurs un des arguments qui avaient emporté l’avis favorable de la commission des sites.
Nous sommes donc à peu de chose près dans la même situation qu’avec Roland Garros et les promesses de la FFT de ne plus jamais s’agrandir avant de renier sa parole.
La conclusion du rapport est édifiante : l’inspecteur des sites acte la convergence des intérêts publics et privés. Il insiste sur le manque de nombreuses informations. Il déclare enfin que l’émergence tardive du projet, son instruction accélérée n’ont pas permis de travailler à sa bonification.
Il demande enfin que les points évoqués dans son rapport soient revus.
Quant à l’ABF, elle considère qu’il est demandé à la commission de signer un chèque en blanc. Elle exige néanmoins une limitation des surélévations. Elle conclut sévèrement : ce n’est pas un projet digne d’un monument historique.
De plus nous avons appris en pleine commission que LVMH envisageait de recourir à la géothermie sans même avoir demandé les autorisations nécessaires.
Quant aux consommations énergétiques, le bureau d’études a annoncé très fièrement que le futur bâtiment serait très performant puisqu’il consommerait environ 450kWh par m² ! Faut-il en rire ou en pleurer ?
Vous l’avez compris ce projet est purement politique affirmation qui s’appuie sur la convocation aussi rapide de la commission des sites, le dépôt du permis de construire avant même toute information aux conseillers de Paris et au vote de notre assemblée, l’obligation donnée aux services de l’Etat de se prononcer favorablement par un arbitrage au plus niveau, la demande du Préfet de ne pas émettre de réserves malgré les remarques justifiées de ses propres services.
Il y a fort à craindre que tout cela se passe mal et que des recours ralentissent considérablement le projet tant il est mal ficelé, bricolé à la hâte pour avoir les autorisations avant les prochaines échéances électorales.
Il était possible d’avoir une réelle réflexion sur l’aménagement de ce site, d’explorer les différentes solutions possibles, de rechercher un consensus.
Il est vraiment regrettable que ce soit un projet imposé par la pression d’un milliardaire qui soit finalement retenu.
Voir mon intervention :