Le Conseil de Paris a enfin débattu du Grand Paris et de sa gouvernance.
Au nom des éluEs du groupe Europe Ecologie les Verts, j’ai prononcé l’intervention suivante.
Intervention sur l’évolution de la gouvernance de la métropole parisienne.
Monsieur le Maire, mes CherEs collègues,
Je voudrais commencer par vous dire à quel point nous sommes satisfaits que ce débat puisse enfin se tenir dans notre hémicycle. Nous avions souhaité un échange à la suite du rapport de Jean-Pierre Caffet et il arrive à point nommé.
1 Inégalités territoriales et cohérence politique.
Le constat que nous portons sur la façon dont n’est pas géré le cœur de l’agglomération est sans appel : ne rien faire serait la pire des solutions.
De nombreuses questions ne sont pas résolues et rien ne permet de dire qu’elles pourraient l’être sans un changement assez radical. Je ne voudrais en citer que quelques unes dont je suis certain qu’elles sont largement partagées.
En premier, et sans surprise, vient la question du logement. Depuis des années, tout le monde convient que la situation ne s’améliore pas, voire qu’elle se dégrade. Jamais il n’y a eu autant de mal logés et de sans abri, jamais il n’a été aussi difficile de se loger au cœur de l’agglomération, jamais la spéculation immobilière n’a atteint de tels sommets. Et ce n’est pas la proposition de N. Sarkozy d’augmenter le prix du foncier de 30% qui va améliorer la situation. René Dutrey y reviendra plus longuement.
Je citerai aussi le déséquilibre patent entre les territoires, certains devenant de plus en plus relégués à la seule fonction de loger leurs résidants, tandis que d’autres continuent de se développer, poursuivant leur quête de toujours plus de bureaux, toujours plus d’activités, toujours plus de recettes. Les projets de l’EPADESA illustrent jusqu’à la caricature cette fuite en avant mortifère.
Comment ne pas évoquer la qualité de l’air, qui ne saurait retrouver une amélioration sérieuse sans une approche cohérente à l’échelle des émissions de polluants, c’est-à-dire l’agglomération ? A cet égard la politique du stationnement, dont on sait quel rôle il joue dans l’usage de la voiture, est caricaturale : chaque commune choisit sa politique sans aucune coordination avec ses voisins. Fort heureusement en matière de déplacements, la prochaine mise en place du Pass Navigo à tarif unique montrera une première réalité de la métropole.
Comment ne pas souligner l’aberration de la gestion de l’eau avec une surcapacité de production des opérateurs alors que certains territoires sont en manque ? Je n’évoque même pas à ce stade la question cruciale du mode de gestion encore trop souvent confiée au privé.
Comment ne pas dénoncer la gestion des déchets avec certains gestionnaires qui démarchent les producteurs pour alimenter leur incinérateur, tandis que d’autres cherchent comment éliminer leurs déchets faute d’exutoires ?
Comment ne pas parler de l’absence d’un plan cohérent en matière de biodiversité, de trames bleues et vertes et de lutte coordonnée contre les émissions de gaz à effet de serre ?
Comment ne pas s’étonner des concurrences vives pour garder ou conquérir les équipements structurant qu’ils soient culturels ou sportifs ?
Enfin et surtout, comment ne pas mettre en avant la césure dramatique entre territoires riches et pauvres, chacun tentant de se regrouper, les premiers pour se protéger des seconds et fuir autant que possible la solidarité, tandis que les derniers imaginent que la mutualisation de leurs difficultés les rendra un peu moins fragiles.
Les déséquilibres gigantesques entre communes riches et pauvres tels que nous les connaissons sont en grande partie à l’origine du mal vivre et des conflits, à l’origine des révoltes et des désordres, à l’origine des replis frileux, à l’origine de le peur qui alimente le racisme, la xénophobie et le populisme.
Et ce n’est pas la création de la police métropolitaine qui réglera la question tant son approche reste dictée par une vision de strict maintien de l’ordre alors que tous les spécialistes s’accordent sur la priorité à rétablir une police de proximité hélas supprimée par ce Gouvernement.
L’État sarkozyste, comme toujours, s’agite beaucoup oralement mais agit peu concrètement. L’incroyable exercice cathodique d’il y a huit jours illustre cette fuite en avant verbale.
Les intercommunalités et les syndicats se jaugent, s’observent, se concurrencent et chacun campe sur son territoire ou domaine d’intervention sans coordination globale, comme si une métropole pouvait se construire silo par silo sans vue d’ensemble.
L’égoïsme reste hélas une réalité prégnante. Un maire de l’est parisien peut ainsi bloquer depuis plus de 10 ans le bouclage d’un tramway qui doit passer par sa commune sans que quiconque arrive à faire prévaloir l’intérêt général. Ce serait risible si ce n’était pas dramatique.
2 Paris et ses voisins
Pendant des décennies, l’égoïsme parisien a contribué à créer ou accentuer ces déséquilibres. Paris a exporté systématiquement ce qui l’importunait : ses usines d’incinération, ses garages, ses cimetières, une partie de ses logements sociaux, etc. considérant la banlieue comme un territoire à son service.
Dans le même temps, Paris se battait pour attirer les sièges sociaux prestigieux, les grands équipements culturels ou sportifs. La noblesse du centre justifiant la vassalité de la périphérie.
De même que les pays riches ont une dette écologique vis-à-vis des Pays pauvres, Paris a une forme de dette écologique vis-à-vis des territoires qui l’entourent. Dette économique évidente quand on compare le taux d’emploi. Dette sociale lorsqu’on observe le potentiel fiscal. Dette environnementale liée à l’exportation de ses nuisances.
Pour autant nous ne voulons ni stigmatiser ni culpabiliser mais seulement rééquilibrer le centre et la périphérie tout comme il faut rééquilibrer l’Ouest et l’Est du cœur de l’agglomération.
Depuis 2001, la politique menée à Paris s’est inscrite dans une logique de rupture avec ce passé.
Les coopérations intercommunales illustrent cette démarche et prouve que nous n’avons pas attendu le discours de Roissy pour avancer.
Cette politique a porté ses fruits et les relations de Paris avec ses voisins sont maintenant apaisées et les échanges sont possibles. Paris Métropole a symbolisé cette évolution positive.
Monsieur le Maire, vous nous proposez aujourd’hui de faire un pas de plus et nous nous en félicitons.
En effet, si Paris Métropole a été utile, il a aussi montré ses limites.
Simple syndicat d’études, ses pouvoirs sont par définition limités.
Son mode de fonctionnement porte en lui-même des contradictions indépassables.
Comment admettre que chaque collectivité soit représentée par un seul membre, la Région forte des ses 12 millions d’habitants ne pesant pas plus que la plus petite commune francilienne qui dispose également d’une voix.
Nous pouvons comprendre qu’à un moment donné cela a constitué une étape nécessaire et nous partageons votre sentiment que cela ne peut pas continuer.
Il faut donc concevoir un projet de gouvernance qui réponde aux enjeux essentiels, de soutenir un projet, d’aller vite dans la mise en œuvre de nouvelles politiques efficaces.
Pour EELV la gouvernance doit reposer d’abord et avant tout sur des valeurs et des logiques au service d’une efficacité dans l’action.
3 Une vision métropolitaine
Parler de la gouvernance de la métropole n’a de sens que si on admet que la gouvernance doit être au service d’un projet, lui-même découlant d’une vision du territoire et de ses habitants.
Pour EELV, il s’agit de construire un vivre en
semble harmonieux, dans des territoires solidaires entre eux et avec les autres, pour le bien de toutes et tous, en intégrant les générations futures dans nos décisions d’aujourd’hui.
Pour cela il faut en finir avec les apartheids sociaux, ethniques, financiers. Il faut lutter contre le zoning et les ghettos. Il faut refuser le mythe de la concurrence acharnée des territoires sous prétexte de compétitivité libérale.
Pour nous il est impossible d’envisager que Paris puisse se développer au détriment de ses voisins et réciproquement.
Seul un développement cohérent, coordonnée et équilibré des territoires composant cette métropole, en lien étroit avec ceux qui la jouxtent permettra que chacun soit bénéficiaire et qu’aucun ne reste au bord du chemin comme cela a été le cas au cours des décennies récentes. La métropole et ses alentours se renforcent mutuellement de leurs dynamiques.
Car n’en déplaise à certains, la métropole est déjà là.
C’est pourquoi nous refuserons tout projet qui serait conçu comme une machine de guerre contre tel ou tel, contre la région, contre l’État, contre l’hinterland.
Nous sommes partisans d’un projet à la fois lisible pour les citoyens, et leur donnant un réel pouvoir de choisir leurs représentants en toute transparence et clarté. Les élections au deuxième, voire troisième degré comme c’est le cas pour les membres de Paris Métropole représentant une intercommunalité ne sont plus acceptables.
Comme nous le proposons ensemble avec le PS dans le cadre de notre accord pour les législatives, nous devons aller vers une simplification et une démocratisation des intercommunalités.
Cette évolution serait (je cite) « engagée avec la mise en œuvre d’un scrutin assurant une représentation directe de la population en même temps que sera garantie celle des communes ».
La Gouvernance de la Métropole du Grand Paris doit reposer sur ces principes.
Il faut garder un lien territorial de proximité afin de maintenir la responsabilité des éluEs tout en assurant le pluralisme et le respect de la volonté des électeurs et électrices.
Une bonne gouvernance suppose également une réelle efficacité pour les choix structurant tout en gardant cette proximité ce qui impose une déconcentration importante dans la mise en œuvre.
Nous avons également conscience qu’un tel projet ne peut se réaliser que par étapes successives et qu’il est difficile d’imaginer dès maintenant une institution figée qui se voudrait définitive.
Partant de ces données et certains que la bonne volonté de suffira pas à déstabiliser les baronnies locales pour aller vers le nécessaire rééquilibrage, nous sommes convaincus qu’une institution dotée de pouvoirs réels et respectueuse des territoires est indispensable.
A ce stade, nous n’arrivons pas à envisager qu’un pôle métropolitain constitue une réponse définitive de long terme permettant de résoudre les questions fondamentales qui se posent.
Les obstacles juridiques sont nombreux et on imagine difficilement qu’ils puissent même être levés rapidement, qu’il s’agisse de l’obligation de regrouper exclusivement des EPCI (donc sans Paris), d’avoir un niveau d’intervention infra-départemental ou d’avoir un comité syndical composé sur la base du poids démographie de chacun de ses membres.
De plus, le principe même du pôle métropolitain repose sur la seule bonne volonté à tous égards. C’est un peu le monde enchanté des élus locaux solidaires et partenaires.
Nous pourrions admettre une telle hypothèse si elle était présentée comme une étape intermédiaire avant une intégration plus forte au service d’un projet commun. Mais si l’aboutissement est un pôle métropolitain, même adapté, nous craignons que dans longtemps encore la situation reste à peu près identique à celle d’aujourd’hui.
Vous dîtes, Monsieur le Maire, qu’il faut une loi pour faire un pôle métropolitain sur mesure. Fort juste. Mais dans ce cas il faut oser aller plus loin et ne pas faire la moitié du chemin.
Nous souscrivons cependant à la liste des 30 propositions que vous formulez car elles sont de nature à faire avancer certains dossiers et il est toujours utile de ne pas en rester au statu quo. Pour la plupart, elles ne nécessitent pas de changements institutionnels et nous souhaitons leur mise en œuvre la plus rapide.
4 Paris et la Région
Avec ses 12 millions d’habitants sur 12 000 km², la Région Ile de France arrive en 20ème position sur 22 en France métropolitaine en termes de superficie. Seules la Corse et l’Alsace sont plus petites.
En comparaison, la Bavière, avec la même population, occupe un espace 6 fois plus grand.
Nos régions sont des naines politiques à l’échelle de l’Europe par rapport à leurs homologues étrangères. Il est d’ailleurs étrange de constater que dans plusieurs domaines, notamment électoral, leur nombre est déjà réduit à 7 ! J’ai noté avec intérêt la prise de position du Maire de Lyon en ce sens.
L’Ile de France, de par sa topographie, sa zone réelle d’influence, son fonctionnement au quotidien, doit intégrer de nouveaux territoires à sa périphérie devenant ainsi une réelle région multipolaire, ce qu’elle n’est pas réellement aujourd’hui.
Dans ce cadre, il faut que l’État délègue davantage à ces nouvelles régions.
La Région doit retrouver son rôle primordial dans la politique d’aménagement du territoire avec un schéma directeur prescriptif et des capacités réelles d’imposer ce dernier aux collectivités qui refusent la solidarité.
Quant à l’État son rôle de péréquation doit évidemment être maintenu sans que pour autant il s’immisce dans les choix locaux.
C’est au sein de cette Région plus forte que la création d’une Métropole du Grand Paris prend un sens réel car il ne laisse pas à la Région les seules franges agricoles. Nous aimerions vous entendre, M. le Maire nous préciser votre vision du rôle de la Région et son articulation avec le pôle métropolitain que vous proposez. Qui fait quoi dans quel domaine et sur quels territoires ? Qui décide de quoi, comment ? Qui prescrit et qui arbitre ? Voilà des questions essentielles si nous voulons arriver à une vision partagée de la gouvernance.
5 Notre proposition
Pour notre part nous préconisons la création d’une organisation sui generis reposant sur trois piliers.
Notre proposition repose sur le principe d’une Métropole du Grand Paris efficace dans une Région confortée. Il n’est en effet pas pensable de faire l’impasse sur une nécessaire troisième étape de décentralisation intégrant un remodelage du périmètre des régions actuelles.
Prenant acte des dynamiques locales et des intercommunalités reposant sur des projets de territoire, nous proposons une Métropole du Grand Paris dont le périmètre sera évolutif et qui comprendrait a minima les 4 départements centraux les intercommunalités adjacentes pouvant s’y adjoindre sur la base du volontariat.
Le fonctionnement de la Métropole du Grand Paris reposerait sur les principes suivants :
Première institution : le Conseil métropolitain.
- 1. Il serait composé suivant le principe de la double représentation des territoires et des citoyens.
- 2. Le niveau de désignation des territoires serait l’intercommunalité et pour Paris les arrondissements. Les 18 intercommunalités à fiscalité unique comportant de 27 000 à 400 000 habitants il est donc logique que ce soit les arrondissements qui soient concernés pour Paris.
- 3. Une fiscalité unique et harmonisée pour l’ensemble des taxes de base afin de permettre une solidarité au sein d
e la Métropole et dégager des ressources nouvelles pour la solidarité avec l’hinterland.
- 4. Une dévolution budgétaire obligatoire d’une fraction significative des recettes au niveau local ou intercommunal pour que les territoires gardent une capacité d’intervention locale.
- 5. Une homogénéisation des politiques par l’adoption de plans unique sur l’ensemble de la Métropole du Grand Paris : PLU, PLH, Plan Climat, Plan pour l’insertion et l’emploi, etc.
- 6. La déconcentration dans la mise en œuvre des politiques, car la proximité doit rester une priorité face à la création d’une structure de décision plus intégrée.
- 7. Le principe de la codécision dans de nombreux domaines, à l’instar du Conseil de Paris et des arrondissements (par exemple pour les attributions de logements sociaux).
- 8. Le principe de la double majorité qualifiée afin de respecter les territoires sans pour autant que ces derniers puissent indéfiniment bloquer les projets structurants.
Deuxième institution : une conférence des communes
Pour que l’ensemble des collectivités territoriales puissent rester des acteurs, une Conférence des communes viendra compléter le Conseil de la Métropole du Grand Paris. Sa composition serait inspirée de celle de l’actuel syndicat Paris Métropole sur la base d’une commune, une voix. Sa fonction première serait de cultiver simultanément diversité et complémentarité car la complémentarité n’est pas l’uniformité des réponses.
Troisième institution : un Conseil du développement durable
Nous proposons également la création d’un Conseil du Développement durable, composé de représentants des diverses composantes de la société : le monde de l’entreprise, celui de l’éducation mais aussi les salariés, les associations et les ONG, etc. Sa fonction essentielle serait de proposer et vérifier les actions nécessaires à une réelle transformation écologique du territoire.
Ces deux instances donneraient leur avis sur tous les projets importants et notamment la planification pluriannuelle et disposeraient du droit de faire inscrire un point à l’ordre du jour du Conseil de la Métropole du Grand Paris.
Devant les difficultés de coordination des différents syndicats techniques qui agissent sur le territoire de la zone dense, ces derniers (à l’exception du STIF) verraient leurs compétences transférées à la Métropole du Grand Paris qui déciderait des modalités de mise en œuvre des politiques correspondantes.
Les compétences régionales resteraient à ce niveau et la Région garderait la responsabilité de l’élaboration et de l’adoption du SDRIF, du PCET, du PRQA, du PREDMA, du PDUIF, etc.
Quant aux relations avec l’État elles redeviendraient ce qu’elles n’auraient jamais du cesser d’être : dans le cadre des contrats de projet entre l’État et la région, cette dernière pourrait adopter des contrats particuliers avec des territoires spécifiques associant les trois parties prenantes – locales, régionale, nationale. Fini les OIN et CDT imposés. Bienvenue à la concertation et à la coordination.
La mise en place d’un tel schéma ne saurait se faire sans un débat approfondi parmi l’ensemble des parties concernées.
Nous souscrivons donc à votre proposition de lancer un grand débat citoyen sur la question métropolitaine dès le second semestre de cette année, une fois, nous l’espérons, que les électeurs et les électrices auront permis la reconstruction d’une démocratie vivante. Nous souhaitons que ce grand débat citoyen soit conduit selon le même processus que pour l’élaboration du plan climat parisien et que de la même façon il débouche sur la publication d’un livre vert tel que le préconise Olivier Landel mais évidemment pas écrit par les seuls élus.
Le processus devra ensuite être poursuivi sous forme d’un projet de loi qui devra faire l’objet d’un référendum local pour avoir une réelle légitimité.
Notre vision est ambitieuse car elle est à la hauteur des enjeux. Nous savons combien il faudra de volonté pour faire évoluer certaines mentalités, surtout dans la classe politique, mais nous sommes convaincus que les citoyens sont impatients de voir de réels changements dans leur vie quotidienne.
C’est pourquoi nous espérons que le débat pourra s’effectuer sans arrière pensée politicienne mais avec la seule volonté de doter ce territoire des moyens de son avenir.