A l’initiative de Mylène Stambouli, maire-adjointe Verte de Paris, chargée de la lutte contre l’exclusion, j’ai participé avec d’autres militantes et militants VertEs à une visite de plusieurs lieux d’accueil des sans-abri dans le 13è arrondissement. Cet arrondissement, fort de sa tradition de solidarité, concentre le plus grand nombre de centres d’accueil de tout Paris. Cette visite particulièrement intéressante a été forte en émotions.
12 h 30, Bd Vincent Auriol, les Restos du coeur Chevaleret. Des algécos, installés provisoirement dans l’attente de savoir ce qu’il advient de ce terrain (TGI ?), servent de restaurant et de sanitaires. Les bénévoles y distribuent des repas chauds le midi, à l’abri, sous forme d’un self service ouvert de 11 h à 13 h. Les repas sont pris à table, ce qui représente une amélioration importante par rapport à ceux qui sont servis en plein air près des camions. La responsable du centre nous explique comment elle fait face aux trafics de main d’œuvre en provenance de certains pays de l’Est, l’incertitude de l’avenir car elle ne sait pas ce que ce terrain deviendra, la nécessité de limiter le nombre de personnes accueillies pour réserver les places aux plus démunis. Le constat sera le même dans tous les centres visités : présence quasi exclusive d’hommes et quelques rares femmes.
14 h 30 : résidence Emmaüs, Bd Arago Ancienne clinique ayant fait faillite, rachetée après une bagarre forte contre la mairie du 13è qui trouvait insupportable de créer un centre supplémentaire dans l’arrondissement, ce bâtiment est très partiellement occupé. Seuls deux étages sur les 5 sont autorisés à accueillir des femmes seules ou avec leurs enfants, et exceptionnellement des couples. Le motif officiel de cette restriction est bien évidemment la sécurité. Question pertinente de la responsable : pourquoi la sécurité des malades était-elle considérée comme satisfaisante et pas celle des familles en difficultés ? Ne serait-ce pas qu’on veut limiter la capacité d’accueil ? La responsable évoque les difficultés avec la mairie pour scolariser les enfants. Faute de pouvoir obtenir une attestation d’hébergement les familles se voient refuser les inscriptions dans les écoles de l’arrondissement. Difficultés aussi avec les tentatives d’accès au bâtiment par des hommes sachant que n’y dorment pratiquement que des femmes.
15 h : l’Arche d’avenir, accueil de jour de la Mie de Pain, rue Régnault Le bâtiment a connu à l’origine d’importantes difficultés au plan architectural avec beaucoup de malfaçons, l’accueil s’effectue uniquement de jour. Les sans abri peuvent laver leurs effets, se faire couper les cheveux, trouver un coin pour se reposer, boire un café mais aussi avoir accès à internet et rencontrer des professionnels pour trouver un boulot. En revanche le centre est fermé le soir.
16 h : La Cité du refuge gérée par l’Armée du salut, rue Cantagrel Immeuble construit dans les années 30 par Le Corbusier avec une extension après guerre. L’état du bâtiment est catastrophique. Rien ou presque n’a été fait pendant des années, faute de crédit. Partagé entre centre d’hébergement de moyenne durée (environ 2 ans pour la plupart) et centre d’accueil d’urgence pour la nuit. Le bâtiment comporte deux parties, à l’origine les hommes d’un côté, les femmes de l’autre. Aujourd’hui la fréquentation est uniquement masculine, d’un côté les cellules sont microscopiques et peu pratiques, de l’autre plus spacieuses. Certains hébergements s’effectuent encore en dortoirs de 8 lits ! Le directeur nous précise qu’à la suite d’une circulaire ministérielle, il n’accueille plus d’étrangers en situation irrégulière. Par ailleurs la rénovation des locaux, classés monuments historiques, est envisagée depuis 1999 mais elle est bloquée faute de crédits. Il faudrait environ 20 millions d’euros. Quand on pense que le Maire de Paris a décidé de donner 120 millions d’euros pour rénover le stade Jean Bouin, on a du mal à comprendre comment on ne peut dégager 6 fois moins pour rénover ce centre.
17 h 30 Visite de la Mie de Pain, rue Charles Fourier Historique, le centre d’accueil le plus important de Paris avec 450 hébergés chaque soir sans aucune condition. Les responsables s’enorgueillissent d’accueillir les plus démunis, les plus pauvres, les plus exclus. Ambiance chaleureuse grâce aux bénévoles, dont certains sont là depuis presque 20 ans, à raison d’un soir par semaine. La soupe nous est offerte. Elle est délicieuse. Les bâtiments sont en mauvais état et il y a un projet de rénovation totale pour supprimer la promiscuité qui est particulièrement importante. L’hébergement se fait dans des boxes de 8 places minimum avec des draps en papier.
Conclusion Les conditions d’accueil des sans abri est indigne de la France et de Paris. Le personnel qui travaille dans ces centres est remarquable de dévouement et de chaleur humaine. Mais les locaux font honte à voir. Un peu de volonté politique permettrait de régler cela et d’y consacrer un peu d’argent. Pour l’ensemble du 13è, il suffirait de moins de 50 millions d’euros pour rénover tous les centres. Il n’est pas normal que la Ville, la région et l’Etat se renvoient la responsabilité au motif que c’est à l’autre de payer. Si l’Etat fait défaut, ce qui n’a rien de surprenant dans ce domaine, la mairie de Paris doit assumer ses responsabilités et financer les travaux. Quand on voit le Maire de Paris dépenser 120 millions d’euros pour rénover un Stade, on se dit qu’il est mal venu de mégoter pour ces centres qui soulagent la misère.