Le schéma directeur de l’Ile de France (SDRIF) doit faire l’objet d’un avis des différents départements de même que le schéma régional de cohérence écologique (SRCE).
Voici l’intervention que j’ai prononcée au nom des éluEs Europe écologie – les Verts au Conseil de Paris.
La biodiversité connaît une érosion accélérée en raison notamment de la fragmentation des habitats naturels et de leur destruction par l’étalement urbain et l’artificialisation des sols.
Face à ce constat, la loi de 2010 portant engagement national pour l’environnement fixe l’objectif de créer une trame verte et bleue nationale se déclinant en Schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE), outils d’aménagement durable du territoire devant permettre d’enrayer l’érosion de la biodiversité.
Le SRCE est un document important dans la mesure où à la fois le SDRIF et le PLU sont tenus d’en tenir compte.
Mon intervention se déroulera donc en deux temps, le SRCE d’abord puis le SDRIF ensuite.
Les SRCE a deux objectifs :
- • Identifier les enjeux régionaux de préservation et de restauration des continuités écologiques, et définir les priorités régionales à travers un plan d’action stratégique ;
- • proposer les outils adaptés pour la mise en œuvre de ce plan d’action pour la préservation et la restauration des continuités écologiques.
Grâce à un bon travail participatif en amont, la zone dense de la métropole et notamment Paris apparaissent dans le SRCE.
Ainsi la carte consacrée à la trame verte et bleue reconnaît l’intérêt écologique de :
- • la Seine, corridor écologique d’intérêt national,
- • des canaux, y compris du canal Saint-Denis,
- • des deux bois parisiens en tant que réservoirs de biodiversité,
- • des grands parcs parisiens (Père Lachaise, Buttes Chaumont, Montsouris, etc.)
- • des grands cimetières
- • et enfin de la Petite ceinture.
Dans le plan d’action spécifique à la ville de Paris, le projet de SRCE demande également :
- • d’« étudier les opportunités d’améliorer les continuités écologiques
- • de porter une attention particulière sur le fleuve, les canaux, mais aussi les bois de Boulogne et de Vincennes,
- • d’intégrer l’importance des liaisons écologiques à restaurer ou à maintenir en contexte urbain à l’occasion des projets urbains, notamment aux portes de Paris ».
Reste cependant deux points qui n’ont pas été pris en compte par le SRCE et que la Ville continue de demander, cette fois dans son avis :
- • l’inscription de la Ceinture verte de Paris dans la cartographie du SRCE « Trame verte et bleue des départements de Paris et de la petite couronne ».
- La Ville demande son inscription en raison :
- du rôle d’interface entre Paris et les communes riveraines joué par la ceinture verte
- des liaisons que la ceinture verte doit permettre d’établir entre les grands espaces de nature parisiens (bois, Seine, canaux)
- et enfin de l’objectif, inscrit dans le Plan Biodiversité, d’améliorer sa qualité écologique (action n°2 du plan).
• l’inscription des têtes de réseaux des faisceaux ferroviaires entrant dans Paris ;
Nous nous félicitions de ces deux demandes supplémentaires qui auront d’autant plus de force qu’elles s’appuieront sur des projets en cohérence avec ces demandes. En effet le mitage progressif et continu de la ceinture verte ou les projets de couverture complète des faisceaux ferroviaires près des grandes gares risquent de faire perdre la crédibilité de ces revendications.
En résumé, un très bon travail a été fait avec le projet de SRCE mais ce travail repose trop exclusivement sur l’état actuel de la biodiversité pour justifier l’inscription ou non d’une trame ou d’un lieu de nature dans le document. Pour l’enrichir nous souhaitons, comme la Ville, la prise en compte des objectifs politiques des collectivités désireuses d’agir notamment pour créer de nouvelles trames. Le plan biodiversité porté par Fabienne Giboudeaux illustre parfaitement cet engagement. Nous approuverons donc cette délibération.
J’en viens maintenant au SDRIF.
Lors de sa présentation en séance du Conseil régional, Alain Amedro, Vice-président en charge de l’aménagement du territoire déclarait :
Nous avons œuvré pour que le schéma présenté soit équilibré entre développement urbain et économique et préservation des espaces naturels et agricoles. Le SDRIF préfigure le développement de l’Ile-de-France sur les vingt prochaines années, Un développement que nous voulons solidaire, durable et vertueux
Par rapport au schéma directeur de 1994 toujours en vigueur, celui-ci est un immense pas en avant contre l’étalement urbain. Il permettra enfin d’imposer des règles écologiques d’extension aux maires »,
En effet, ce schéma directeur permet une meilleure protection des zones naturelles et des terres agricoles
Or, la sauvegarde de l’espace agricole et la reconquête de l’autosuffisance alimentaire sont de vrais enjeux de développement économique. Le développement de l’activité agricole, de la production bio et des circuits courts sera générateur d’emplois pour la région
L’Ile-de-France qui se dessine ainsi dans ce schéma directeur est celle des habitants, de la solidarité.
Pour nous écologistes la Région doit être le niveau déterminant qui permet de fixer les orientations en matière d’aménagement et donc d’urbanisme et la conséquence concrète devrait se traduire par un pouvoir prescriptif réel sur l’ensemble des territoires infra régionaux. La simple prise en compte ou compatibilité ne suffit plus. Il faut oser aller plus loin pour que les schémas régionaux trouvent leur traduction concrète.
La récente modification apportée par la ministre du logement et de l’égalité des territoires pour rendre les CDT obligatoirement compatibles avec le SDRIF doit être saluée comme un pas important et qui vient rétablir une hiérarchie bienvenue.
Venons en maintenant aux différents thèmes.
En matière d’aménagement le principal point concerne les rapports entre la zone dense d’une part, les autres territoires d’autre part.
Pour nous écologistes, il faut cesser de penser et d’affirmer que ce qui est bon pour Paris et bon pour le reste de la région, sans dire dans le même temps que sans le reste de la Région Paris n’existe pas.
Le meilleur exemple est celui de l’agriculture. Paris ne peut se nourrir sans les territoires agricoles qui l’entourent et tout grignotage des terres agricoles comme cela est encore envisagé pour le triangle de Gonesse est une insulte à la solidarité territoriale et plus largement au simple bon sens.
Nous ferons tout pour éviter que des infrastructures soient réalisées pour implanter des grands projets inutiles comme EuropaCity dans le Triangle de Gonesse sans parler d’autres projets tout autant inutiles un peu plus à l’ouest.
Comment soutenir qu’il est préférable de créer une piste de ski artificielle à quelques kilomètres de Paris plutôt que de conserver la vocation nourricière de ces terrains ?
Décidément le syndrome Dubaï fait des ravages toujours plus inquiétants : après les tours et le ski, à quoi devons-nous nous attendre ?
C’est pourquoi nous soutenons la conditionnalité figurant dans le SDRIF qui rend assez peu probable cette réalisation. Il reste à espérer que le Gouvernement saura entendre les voix de plus en plus nombreuses qui se fédèrent contre ce projet.
Au plan de l’emploi et des logements, le SDRIF pose un diagnostic indiscutable et préconise des pistes tout à fait pertinentes.
Le déséquilibre ancien entre l’ouest et l’est de la zone agglomérée est connu et reconnu sans que ce déséquilibre n’ait été réellement et profondément modifié depuis des décennies. De plus les projets aussi invraisemblables que délirants de construction de tours supp
lémentaires à la Défense visent plutôt à l’accentuer qu’à le réduire. Il faut donc avoir un projet résolument déterminé et ambitieux si l’on veut cesser d’imposer des déplacements de plus en plus nombreux à des salariés qui ne peuvent se loger près de leur lieu de travail, générant un besoin sans cesse accru d’investissements dans les transports en commun ou un usage de la voiture qui se traduit par une pollution qui ne parvient pas à se réduire dans des proportions acceptables.
De ce point de vue le SDRIF répond à ces nécessaires évolutions en n’oubliant pas que le rééquilibrage est-ouest ne saurait faire oublier qu’il y a également un rééquilibrage nécessaire entre le centre et la périphérie de la zone dense.
La ville durable ne peut se concevoir avec un zoning des fonctions puisque par essence elle est mixte à une échelle suffisamment fine qu’elle évite les déplacements en trop grand nombre.
Or Paris concentre déjà un nombre d’emplois bien supérieur à sa population active tandis que ses habitants sont de plus en plus nombreux à devoir quitter la ville faute de pouvoir s’y loger compte tenu du coût de l’habitat.
Ainsi selon l’INSEE depuis 1999 l’emploi à Paris a cru de 149 434 postes de travail tandis que la population active n’augmentait que de 99 686 personnes soit près de 50 000 emplois destinés à des non-Parisiens. Dans le même temps Paris n’a vu son parc de logements augmenter que de 30 496 unités. Cela donne dont un ratio de 0,2 logement pour 1 emploi créé. On est donc très, très, loin du schéma proposé par le SDRIF.
Malgré un taux de chômage en baisse à Paris sur la même période, on constate une baisse du nombre de salariés parisiens travaillant dans Paris intra muros, le pourcentage passant de 69 à 67,6%, soulignant ainsi l’accroissement de la mobilité contrainte liée au déplacement domicile – travail. Dans le même temps le nombre de salariés venant d’autres communes a augmenté sensiblement ce qui se traduit inévitablement par une dégradation des conditions de déplacement et la nécessité d’investir toujours plus dans les transports en commun.
Ainsi sur 1 790 542 emplois dans Paris, seuls 745 802 sont occupés par des ParisienNEs ce qui signifie que près d’un million de salariés n’habitent pas Paris.
Affirmer comme cela est fait dans un journal du soir que ce n’est pas grave puisque certains immeubles de bureaux disposent de crèches n’est peut-être pas la meilleure façon de concevoir le bien être de ces tout petits qu’on invite à prendre les transports en commun aux heures de pointe.
D’une certaine manière cela veut dire que Paris privilégie la rente liée à l’activité sur la création des logements pourtant si indispensables.
Cela traduit aussi une vision du petit Paris qui se replie sur lui-même à l’heure où tout devrait être conçu dans un cadre métropolitain solidaire.
Paris joue gagnant contre la banlieue perdante au lieu de jouer gagnant-gagnant. Car les Parisiens vivraient évidemment mieux si l’ensemble de la zone dense vivait mieux. Ce sont les inégalités qui créent les tensions, l’insécurité, la violence. Accroître les inégalités va donc à l’encontre du bien être des Parisiens.
Alors oui monsieur le maire, nous soutenons avec vigueur la conception solidaire du SDRIF qui vise à une meilleure répartition des emplois et des logements. Sur la base du ratio proposé ce n’est pas 30 000 logements qui auraient du être créés au cours des 10 dernières années mais plus de 567 000.
Comme cela n’est évidemment pas possible, c’est bien une meilleure répartition de la création d’emplois entre Paris et les autres communes qui est en jeu, amorçant ainsi le véritable rééquilibrage indispensable des emplois d’une part et des logements d’autre part.
Nous maintenons donc notre vœu qui souligne les deux conceptions, « parisiano-centrée » ou solidaire, qui nous séparent.
En conclusion le groupe EELVA ne votera pas en faveur du point de vue exprimé par la Ville de Paris car il est selon nous en opposition frontale avec la conception même du SDRIF et nous espérons que la proposition de la Ville ne sera pas retenue par la Région.