Hier soir le Maire de Paris était très fier d’inaugurer le nouveau stade Jean Bouin à l’occasion du match entre le Stade Français et Biarritz.
Les critiques ont été assez vives à propos de la démolition-reconstruction de l’ancien stade.
Qu’en est-il exactement ?
Tout d’abord la question de la rénovation du stade.
Il est certain que l’ancien stade était assez obsolète et qu’une modernisation était plutôt nécessaire. Cependant il était possible de revoir complètement l’équipement sans le démolir et reconstruire un nouveau stade, plus grand, plus cher. En effet, le Stade Français, comme la plupart des clubs professionnels, avait un projet qui consistait avant tout à transformer l’objet même du stade pour en faire autre chose.
Il s’agit de combiner les activités sportives avec des activités purement commerciales, censées rapporter beaucoup d’argent à un club qui était au bord du dépôt de bilan il y a peu de temps. De fait le nouveau stade comporte de très vastes surfaces commerciales (qui n’ont pas trouvé preneur à ce jour), et des superficies à louer pour que des entreprises puissent organiser des opérations événementielles.
On constate donc que sous couvert de rénovation c’est bien un autre projet, plus business, qui était choisi.
Au plan financier.
L’opération de démolition reconstruction est annoncée officiellement par la Mairie de Paris pour un coût de 157 millions d’euros. Il est très difficile de connaître le prix de revient réel. En effet, l’absence de documents précis portant sur les différentes opérations ne permet pas de savoir ce que recouvre réellement cette somme. Qu’en est-il par exemple du prix de démolition ? Est-il compris ou non ? Qu’en est-il des coûts supplémentaires liés au transfert des enfants pendant toute la phase de travaux ? Qu’en est-il des coûts réels engendrés par le transfert à Charléty des matchs du Stade Français pendant les travaux ? La ville annonce 1,5 M€ mais on sait que l’addition est très sensiblement supérieure.
Le coût total est sans aucun doute plus près des 200 millions que du prix annoncé par l’adjoint communiste chargé des sports qui prétendait en décembre 2007 que l’opération ne dépasserait pas 86 millions d’euros.
Au final l’addition est donc plus du double du prix annoncé.
A qui profite l’investissement ?
Si l’on prend une durée de 15 ans pour calculer l’amortissement, si on estime (ce qui est très optimiste) qu’il y aura en moyenne 15 000 spectateurs par match, si l’on considère que le Stade Français joue environ 10 matchs par an seulement à Jean Bouin (les autres se déroulant au Stade de France), l’investissement revient à environ 89 € par spectateur et par match !
Pendant ce temps le Maire de Paris a décidé de multiplier par 4 les tarifs d’entrée dans tous les équipements sportifs de proximité !
On voit bien qu’il s’agit d’une conception claire du rôle du sport : le sport spectacle, le sport business, le sport professionnel sont considérés comme plus rentables au plan politique et de la notoriété de la Ville et de son maire, que la satisfaction des besoins des centaines de milliers de pratiquants au quotidien.
Il est plus que temps d’inverser ces priorités et de construire les équipements qui font défaut.
Un grand stade de plus était-il utile ?
A l’heure où l’Assemblée nationale vient de décider la création de la Métropole du Grand Paris, on ne peut que s’interroger sur les égoïsmes locaux et des fédérations sportives. Chacun veut son équipement, même s’il n’est quasiment pas utilisé. Chacun veut un grand équipement en prétextant qu’il n’est pas possible de mutualiser ceux qui existent déjà. Chacun rêve silencieusement qu’il réalisera une opération financière et promotionnelle importante et bénéfique.
Pourtant l’histoire démontre le contraire. Le Stade de France n’est pas utilisé comme il le devrait à des fins sportives. Charléty n’a plus d’objectif alors qu’il vient d’être en grande partie rénové plus plusieurs millions d’euros. Les Hauts de Seine et l’Essonne ont des projet colossaux de stade de rugby.
Pendant combien de temps encore va-t-on jeter par les fenêtres l’argent de nos impôts au lieu d’avoir une vision moderne, écologique, économique et intelligente des investissements sportifs ?