En début d’après-midi ce mercredi 4 janvier, la police a évacué l’immeuble occupé depuis quelques jours par une centaine de migrants Tunisiens dans des conditions qui sont totalement inacceptables.
Il est fort à craindre que non nombre des interpellés soient purement et simplement renvoyés en Tunisie ou en Italie.
Or cette expulsion a été entreprise à la demande du Maire de Paris, car le bâtiment appartient à la Ville.
Le prétexte avancé est que les négociations étaient dans l’impasse, que les Tunisiens étaient manipulés par des gauchistes, et que la bâtiment ne répondait pas aux normes en matière d’incendie.
Ces arguments sont non seulement ridicules mais assez minables.
Tout d’abord sur les négociations.
Hier encore j’ai insisté auprès des représentants de la Mairie de Paris, présents sur place, pour améliorer le dispositif proposé aux Tunisiens et faire en sorte que les négociations puissent se poursuivre mieux qu’elles avaient commencé. J’ai découvert un amateurisme qui est inquiétant, une incapacité à analyser sérieusement la situation et l’état des rapports de forces, une peur presque panique devant les quelques soutiens très remontés contre la mairie, une inexpérience flagrante devant la réalité, une crainte quasi maladive de prendre des initiatives, etc.
J’ai mené des dizaines de négociations autrement difficiles dans ma vie, que ce soit en tant que syndicaliste lors de conflits sociaux particulièrement durs y compris avec intervention musclée des CRS, ou que ce soit en tant qu’adjoint au maire de Paris lors des grèves à la propreté ou dans le parcs et jardins. J’avais déjà remarqué l’incompétence du cabinet du Maire de Paris. Par exemple, il me déconseillait d’aller discuter avec les piquets de grève de peur que je sois séquestré !!! Je vois que rien n’a changé.
L’impasse des négociations n’était que temporaire et n’importe quel négociateur averti sait qu’il y a toujours un moment de blocage dans une négociation. Croire ou affirmer que c’est par la force policière qu’on débloque la négociation relève à la fois de l’incompétence et d’une conception très autoritaire de la négociation. Cela est conforme à l’idée que Delanoë se fait des rapports entre groupes sociaux ou politiques.
Sur la manipulation par des gauchistes.
A l’évidence, autour des Tunisiens, se sont agglomérés des précaires, chômeurs, etc. Faut-il pour autant parler de gauchistes ou d’anarchistes ? Et quand bien même est-ce une raison pour ne pas continuer à négocier en faisant en sorte que les Tunisiens puissent décider eux-mêmes. Lorsqu’on fait de la politique on doit savoir affronter de telles situations, somme toute assez banales, et se donner les moyens de ne pas céder quand les difficultés surgissent. Oui il y avait des « soutiens » qui tentaient de peser sur les décisions des Tunisiens ; oui il y avait des militants plus ou moins organisés qui espéraient récupérer le mouvement. Mais qu’a fait le PS pour compenser cela ? A-t-il appelé ses militantEs à venir soutenir les Tunisiens et à les informer et les rassurer ? Il n’a pas même tenté de contrebalancer les influences qu’il dénonce maintenant violemment.
Je dois dire que je suis surpris de l’absence des forces de gauche à part EELV présente en permanence. Où étaient le NPA, le PC, le PG, etc si prompts à dénoncer le virage à droite d’EELV ? A part une élue PG et une PC, personne !
Quand on ne veut pas construire le rapport de forces politiques, il est certain qu’on abandonne le terrain aux autres et il est plutôt incohérent de leur reprocher ensuite de l’avoir occupé.
Sur l’état du bâtiment.
C’est le seul point un peu sérieux. Mais est-ce suffisant ? Non bien sûr car on sait se donner les moyens d’une prévention dans une situation exceptionnelle. Le seul risque du bâtiment concerne le risque incendie, car il n’y aurait pas d’issue de secours (ce qui n’est pas tout à fait vrai), pas de système de désenfumage ni de détection incendie. Mais qui empêchait la Mairie de Paris de disposer des extincteurs en quantité suffisante et de prévenir les pompiers pour qu’ils puissent expliquer aux occupants les risques et la façon de s’en protéger ?
Quoi qu’il en soit ce seul point ne peut suffire à justifier l’injustifiable.
Car au bout du compte c’est bien de France et pas seulement du bâtiment de la Mairie de Paris que les Tunisiens interpellés risquent d’être expulsés.
Et il ne suffit pas que le Maire de Paris demande au Gouvernement (dont on connait parfaitement la politique) de faire un geste humanitaire après avoir livré à la police plusieurs dizaines de migrants.
Ce soir j’ai honte à la France pour ce qui s’est passé mais je dois dire que le Maire de Paris porte une responsabilité énorme même si celle de l’Etat est naturellement plus grande encore.