Grand Paris : des conceptions différentes !

Lors de sa réunion des 29 et 30 septembre, le Conseil de Paris a débattu du projet de loi concocté par le Gouvernement sur le Grand Paris.

Le clivage entre la gauche et la droite d’une part, mais aussi au sein de la majorité municipale était perceptible, le PS, le PC et le MRC se contentant de critiquer le projet (scandaleux) de la droite sans pour autant proposer quoi que ce soit.

Au nom des Verts, j’ai fait l’intervention suivante.

Tout d’abord je voudrais dire à quel point nous sommes contents que ce débat se déroule au sein du Conseil de Paris. En effet dès l’annonce du projet de loi, les Verts ont souhaité qu’un tel débat soit organisé dans toutes les collectivités territoriales concernées.

Nous sommes donc satisfaits.

La question du Grand Paris a été relancée il y a quelque temps déjà par le Président Sarkozy qui promettait qu’on allait voir du grand, du beau, de l’ambitieux, du moderne, etc. Tellement déterminé apparemment à faire évoluer la situation il n’hésita pas à nommer un secrétaire d’Etat à la région capitale et à lancer un concours international auquel participèrent dix équipes prestigieuses. De plus il demanda à M. Balladur de présider une commission chargée de lui faire des propositions au plan institutionnel.

Tout cela devait déboucher sur un projet global, cohérent, novateur.

Tout cela débouche sur le projet de loi dont nous débattons ce matin.

Ce faisant M. Sarkozy a commis l’erreur conceptuelle dont il ne parvient jamais à s’extraire.

Il parle toujours comme s’il était en charge de tout : au G20 il se prend pour le maître du monde et en France il veut aussi tout régler : de la nomination des présidents de la télévision à l’aménagement de telle ou telle partie du territoire francilien en passant par les questions d’une copropriété à propos d’assainissement dans une presqu’île du sud de la France

En l’occurrence, et pour ce qui concerne la région francilienne, il se trompe magistralement.

Sa loi porte le titre ronflant de « développement de la région capitale ». Il n’en est rien : il n’y a aucune ambition pour l’Ile de France mais c’est un simple projet de super métro et la création d’une structure pour gérer le plateau de Saclay.

Par delà le vide sidéral en matière d’avenir de la région, cette loi repose sur une méthode épouvantable de préparation.

Malgré les propositions riches et variées issues du concours des architectes, malgré le plan régional de mobilisation pour les transports, malgré l’élaboration conjointe avec les services de l’Etat du SDRIF, malgré les engagements publics pris lors de la grande réunion publique de Chaillot, il n’y a eu aucune concertation en amont, aucune prise en compte de l’existant, aucun respect des éluEs, aucun respect des Franciliens.

S’il était possible de rire un tant soit peu on se demanderait si le contenu de la loi est ironique ou sérieux : « répondre aux besoins immédiats de nos concitoyens d’Ile de France et des régions limitrophes ».

Les usagers du RER ou de la ligne 13, les demandeurs de logements, les chômeurs, celles et ceux qui souffrent des pollutions de toute nature seront contents de savoir que tout cela n’est rien et que la solution à tous leurs problèmes c’est le grand 8 de Christian Blanc.

Décidément M. Sarkozy se révèle chaque jour un peu plus pour ce qu’il est : au choix un pur communicant pour parler politiquement correct ou un bateleur de foire pour dire les choses plus directement.

En analysant de près ce projet de loi il est évident, pour toute personne de bonne foi, qu’il est dangereux et inéquitable.

Il transforme l’Ile de France en un véritable gruyère en créant des zones de non droit démocratique dépendant d’un seul super préfet, baptisé pompeusement Président de la société du grand Paris. Sur les territoires gérés par ce Préfet, les élus n’auront aucun pouvoir, les procédures de concertation seront niées dans les faits, les règles démocratiques ne s’appliqueront quasiment plus.

Cela se traduirait par une région à double statut générant encore plus d’iniquités et de fractures.

Cela se traduirait par la création de citoyens de deuxième zone n’ayant pas le droit d’influer sur l’avenir de leur territoire rappelant une fâcheuse et sinistre conception coloniale.

Ce projet de loi constitue une manipulation grossière.

M. Sarkozy cherche à faire croire qu’il veut changer les choses. Mais il est comme le Guépard, il veut que tout change pour que rien ne change. Il parle donc en espérant détourner l’attention.

Il sait que ses propositions soulèvent des interrogations et même des contradictions au sein d’autres partis politiques (et aussi du sien) et il se dit qu’il apparaitra ainsi comme celui qui veut faire évoluer la situation alors qu’il espère que les coalitions immobilistes l’emporteront.

Or l’immobilisme est aussi un risque réel.

Cela fait 150 ans que Paris est figé géographiquement malgré des débats réguliers sur la nécessité de sortir de la situation actuelle.

Pour les Verts, tant parisiens que franciliens, il faut d’urgence penser et créer l’écométropole pour le 21ème siècle.

Il faut répondre à de nombreux défis dont le plus important est incontestablement la solidarité des territoires.

On parle souvent de rééquilibrage Est-Ouest. Il faut aussi parler de rééquilibrage Centre-Périphérie. On ne fera croire à personne que la concorde et la sécurité peuvent régner dans l’environnement quotidien en maintenant les fractures sociales et environnementales actuelles.

Pour que les Parisiens vivent mieux, il faut que tout le monde vivent mieux tout autour de Paris.

Cela implique une générosité bien comprise et un capacité à penser global et pas seulement local.

Cela implique de s’appuyer sur le SDRIF comme point de départ. Un projet « Grand Paris » doit intégrer un plan d’actions visant à la réduction de l’empreinte écologique du territoire, à la relocalisation de l’économie, à la réduction de la vulnérabilité du territoire en matière alimentaire et énergétique, à une meilleure adaptation au dérèglement climatique, à la préservation de la biodiversité. La question des transports, du logement, de la localisation des emplois est donc essentielle et doit être traitée au plan métropolitain.

Il faut en finir avec une vision bornée par le périphérique.

La solidarité des territoires pose naturellement la question de la péréquation des ressources et de la mutualisation des moyens. Tant que des villes de la proche couronne ne pourront pas financer le moindre équipement public il n’y aura pas de solidarité réelle.

Pour qu’il y ait solidarité et mutualisation il faut que la gouvernance change. Dans le cadre institutionnel actuel, c’est l’égoïsme qui prévaut. Chacun cherche à capter la création des emplois et des bureaux, chacun cherche à rendre son territoire plus attractif (pour qui ?), chacun pense que le voisin est d’abord un concurrent à éliminer. N’a-t-on pas vu la création de plusieurs intercommunalités sans autre projet que d’échapper à la solidarité financière avec le reste de la région ?

La gouvernance du cœur de l’agglomération n’est certes pas facile à concevoir. En tout état de cause elle suppose la mise dans la poche de nombreux egos. Elle suppose aussi que l’ambition pour le territoire soit plus forte que l’ambition personnelle.

Elle suppose enfin d’être capable d’une réelle créativité et d’audace.

Les Verts le disent depuis longtemps, il y a trop de niveaux pour que les citoyens s’y retrouvent. Il faut supprimer les départements, particulièrement en Ile de France, créer une structure intercommunale pour le pilotage du cœur de la région dont les modalités juridiques et le périmètre restent à préciser, et il faut dans le même temps appliquer le principe de subsidiarité et de proximité ce qui nécessite d’aller beaucoup plus loin dans les pouvoirs des arrondisseme

nts.

Nous ne tomberons pas dans le piège grossier du démantèlement de Paris, nous avons une autre conception du tout ou rien.

Mais lire dans un hebdomadaire du dimanche que la participation des arrondissements à une intercommunalité ne permettrait plus de créer des logements sociaux dans certains reflètent soit une méconnaissance du fonctionnement des intercommunalités et des décisions régionales, soit une pure tentative électoraliste de redresser l’image d’un parti qui en a bien besoin.

Faut-il donc rappeler ici que dans tous les projets métropolitains ou de communauté urbaine, les compétences en matière d’urbanisme et de logements sont transférés. Les communes membres ne peuvent donc s’opposer à la création de logements sociaux a fortiori si elles ne répondent pas à la règle de la loi SRU dite des 20%.

J’oserai ajouter que tout élu régional en Ile de France connait nécessairement l’existence de l’agence foncière régionale dont (je cite) « la constitution… va notamment permettre de soutenir une production diversifiée de logements sociaux… ».

Je cite également ce qu’écrit Patric Bloche sur son blog : « l’agence foncière régionale répond pleinement aux objectifs de la politique du logement menée depuis 2001 sur le territoire parisien, que le Département de Paris pourrait s’appuyer, si besoin est, sur cet établissement pour atteindre ses objectifs en matière de logement social tels q u’ils sont inscrits dans le Plan Local d’Habitat ».

Il n’y a donc aucune crainte à avoir dans ce domaine, pas plus que dans celui des transports ou couloirs de bus ou autres sujets relevant des compétences transférées. J’ajoute au surplus, qu’il est plus facile de dire ce qu’on ne veut pas que de proposer une évolution institutionnelle permettant le décloisonnement et la solidarité. En la matière nous aimerions que l’on nous dise ce que chaque parti politique propose de façon concrète.

En guise de conclusion je voudrais encore une fois citer un collègue dont nous partageons l’analyse :

« Face à ce projet, la Gauche ne doit pas se laisser aller à une posture défensive, de celles qui font trop souvent le jeu de Nicolas Sarkozy. Elle doit être à l’offensive, réaffirmer son attachement à la construction du Grand Paris et proposer un cadre institutionnel et un projet politique global. »

Celles et ceux qui suivent le débat sur le Grand Paris auront bien évidemment reconnu la plume de l’adjoint au Maire de Paris, Jean-Marie Le Guen.

C’est le sens de notre vœu.

Dénoncer de façon forte la tentative de coup d’état de M. Sarkozy : comme il est minoritaire et qu’il craint de le rester au sein de la région et de la capitale il n’hésite pas à supprimer la démocratie sur une partie importante de ces territoires.

Le dernier à avoir fait ça était Napoléon III lorsqu’il a annexé les communes limitrophes de Paris.

Ce faisant il indique aussi la conception qu’il se fait de la candidature de sa protégée aux prochaines élections régionales. En revenant à l’administration préfectorale il propose à Valérie Pécresse d’être candidate au poste de sous-préfète !

Ce n’est évidemment pas notre conception de l’avenir de Paris et de l’Ile de France.

C’est pourquoi nous combattrons résolument ce projet.

M. Balladur avait indiqué qu’il pourrait y avoir un référendum sur l’avenir du Grand Paris. Nous lui disons chiche.

Je vous remercie.

Une réflexion au sujet de « Grand Paris : des conceptions différentes ! »

  1. pas mal, sauf l’allusion déplacée à Napoleon 3, à cette époque les communes n’avaient aucun droit, les premières lois sur l’autonomie communale datent de 1883, ne mélangez pas tout, cela dessert votre propos.
    Le seul vrai regret que l’on puisse avoir sur 1860, c’est qu’au moment ou toutes les capitales détruisaient leurs fortifications, Paris a cantonné son avenir aux limites de murailles édifiées presque 20 ans plus tot; c’est comme la ligne Maginot, une faute historique que l’on paye très cher encore aujourd’hui.

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