Rapports police-citoyens : il faut inverser la tendance !

A la suite de nombreux articles de presse relatant des bavures en tout genre, j’ai interpellé le Préfet de Police de Paris lors du dernier Conseil de Paris le lundi 7 juillet.

Voici le texte de mon intervention et ensuite la suite donnée…

« Monsieur le Préfet,

Depuis plusieurs jours des articles de presse relatent des études sur le comportement de la police parisienne. On a beaucoup parlé du commissariat du 18è ou de la Fête des Tarterêts qui a fini en quasi scène de guerre. La justice a été saisie à propos de policiers intervenant en civil lors d’une manifestation et incitant à l’affrontement. Le dernier article en date concerne les contrôles d’identité et repose sur une étude scientifique à partir de l’observation de 525 opérations de contrôle ; elle a mis en évidence (je cite) que « les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont ou paraissent être ». L’étude parle de « profilage racial » en totale contradiction avec la législation française et l’article 87-2 du code de procédure pénale qui encadre les contrôles d’identité.

De même on constate une augmentation de la saisine de la Commission nationale de déontologie et de sécurité qui passe de 12 dossiers traités en 2001 à 147 dossiers traités en 2008 soit une augmentation de 1225 % !!! Les avis de la CNDS sont éloquents et montrent l’aggravation des dysfonctionnements. Dans son dernier rapport elle indique notamment que «la pratique du tutoiement, l’usage de paroles vexantes, ainsi que toute attitude susceptible d’être interprétée comme un acharnement discriminatoire, sont à proscrire absolument. »

Que dire encore de la façon dont été accueillies les familles des victimes de la catastrophe de l’Airbus volant vers les Comores ? Alors qu’elles arrivaient à Roissy pour tenter d’avoir des informations, elles ont été interpellées par la police qui a eu spontanément un réflexe de suspicion plutôt que de compassion.

Ces faits sont inquiétants car ils mettent en évidence le fossé qui se creuse chaque jour davantage entre la police et les citoyens.

Les réponses apportées jusque là par le Gouvernement montrent leur inefficacité puisque depuis que M. Sarkozy s’occupe des questions de sécurité les lois s’empilent les unes sur les autres sans que rien ne change ni sur le terrain des atteintes aux personnes qui croissent d’année en année, ni sur l’amélioration des rapports entre la police et la société.

Il serait facile de dire que les dérives qui sont constatées relèvent seulement de comportements individuels fautifs. Certes il existe, dans la police comme ailleurs, des brebis galeuses et quelques sanctions sont parfois prises.

Mais quand on en arrive à ce point de rupture, mot cher à notre omni-président, on ne peut plus parler de simples accumulations de fautes personnelles.

Il est assez évident pour toute personne de bonne foi que le climat ultra sécuritaire voulu par l’ancien ministre de l’intérieur et ci-devant Président de la République se traduit par un climat général qui favorise voire encourage les bavures en tout genre. L’exigence de rendement mis en œuvre à travers la politique du chiffre vient encore accentuer ces dérapages.

A l’évidence des policiers agissent avec le sentiment d’une impunité totale et la hiérarchie, quand elle entend reprendre les choses en main, n’est plus toujours obéie, j’ai pu le constater à mes dépens personnels il n’y a pas si longtemps.

Depuis quelques semaines, vous avez autorité, Monsieur le Préfet sur l’ensemble des forces de police de Paris et des trois départements qui l’entourent. Vous êtes donc au premier rang des responsabilités en la matière.

L’article 12 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 est ainsi libellé : La garantie des droits de l’homme et du citoyen nécessite une force publique ; cette force est donc instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Le code de déontologie de la police comporte de nombreux articles qui ne sont plus respectés aujourd’hui par de plus en plus de policiers.

Dans son dernier rapport la CNDS « rappelle fermement que les personnes exerçant une mission de sécurité sont placées au service du public et doivent se comporter envers celui-ci d’une manière exemplaire. »

La question que je vous pose au nom du groupe des élus Verts est donc simple : que comptez-vous faire pour inverser ces courbes inacceptables ?

Monsieur le Préfet, nous souhaitons que vous nous présentiez à l’automne un plan de travail pour enrayer les dérapages et changer le climat délétère qui prévaut.

Des entreprises ont mis en œuvre des plans de formation pour lutter contre les préjugés discriminatoires. Il existe même un label en la matière. Etes-vous prêt, Monsieur le Préfet, à vous engager dans une démarche de ce type ? Dans ce cas nous serions à vos côtés pour redonner à la police le rôle qu’elle n’aurait jamais du perdre de police citoyenne et républicaine. Si tel n’est pas le cas, vous savez par avance que la situation ne fera qu’empirer et que les incidents seront non seulement plus fréquents mais de plus en plus graves.

Vous avez d’une certaine manière cette alternative entre vos mains. »

Le Préfet a évidemment contesté l’analyse ci-dessus estimant que c’était une généralisation hâtive non représentative de la situation.

Il a proposé que je puisse, ainsi que les autres éluEs VertEs, assister à une réunion à la Préfecture pour voir ce qui est mis en oeuvre. J’ai tout naturellement accepté la proposition en lui rendant la pareille : je l’ai invité à venir incognito avec moi constater certains comportements de policiers sur le terrain.

A suivre…

10 réflexions au sujet de « Rapports police-citoyens : il faut inverser la tendance ! »

  1. Bonjour,

    Merci pour ce discours. Les controles d’identite discriminatoires sont un vrai probleme a Paris et si il donne lieu a une privation de liberte (detention au commissariat jusqu’a 4 heures maximum), ils deviennent une violation de l’article 5-1 de la Convention europeene des droits de l’homme combine avec l’article 14.

    Au point de vue pratique, il est tout a fait possible sur le modele de certaines polices anglaises (Met police de Londres par exemple), on peut imaginer que chaque controle donne lieu a l’emission d’un recu numerote avec :

    1) raison jurididique du controle (requisition du procureur de la Republique, suspicion de commission d’une infraction etc article du code de procedure penale).
    2) raison factuelle (pourquoi le controle: ex : vous etes parti en courant).
    3) que la personne donne son ethnicite ressenti.

    Ce recu numero permet de faire des statistiques anonyme sur l’ethnicite ressentis des controles et permet au citoyen controle de se plaindre a la CNDS et/ou a l’IGS de controles abusifs.

    Le recu numerote devra comporter le numero de matricule de l’agent/officier de police judiciaire ayant effectue le controle d’identite.

    Un rapport annuel pourra etre emis a Paris par des chercheurs independants sur ces controles et leur evolutions.

    Voici le lien pour le rapport d’Open Justice sur les controles d’identite a Paris : http://www.soros.org/initiatives...

    Merci

  2. Bonjour,

    Vous evoquez une reunion a venir avec le cabinet de la prefecture de police. Les 3 points qui me semblent essentiels pour les Parisiens et le respect de la Convention europeene des droits de l’homme a Paris:

    1) la fermeture du lieu de privation de liberte de police : "infirmerie psychiatrique". Cette structure archaique et inutile viole les articles 5-2 et 5-4 de la Convention europeene des droits de l’homme de plus de 2500 personnes par an et 5-1-e de plus de 800 personnes. L’arret RL. MJD c. France a la Cour europeene des droits de l’homme avait mis en avant ce lieux de detention inutile : cmiskp.echr.coe.int/tkp19… La Mairie de Paris doit arreter de subventionner ce lieu de detention sinistre et subventionner les centres de crises et les services d’urgences des hopitaux parisien.

    2) la fermeture du depot de nuit situe dans le palais de justice. Un depot de nuit ne sert a rien. Ils n’existent pas en dehors de Paris/Creteil/Nanterre alors qu’en province les distances entre une gendarmerie et le palais de justice sont bien superieures. Le depot est insalubre et doit etre ferme : http://www.laconference.typepad…. . Ces violations de l’article 3 de la Convention doivent cesser et la prefecture qui a commence une renovation doit laisser les journalistes, les juges et les avocats visiter les cellules "renovees".

    3) les conditions de detentions dans les cellules des commissariats de Paris (degrisement et garde a vue) qui ne sont pas digne d’une capitale europeene. Cellule melangee majeure/mineur/homme et femme sans lumiere naturelle, sans point d’eau, sans lit, sale. Les violations de l’article 3 de la Convention doivent cesser a Paris.

    Plusieurs requetes sont en cours a la C.N.D.S et devant la Cour europeene des Droits de l’Homme. Il sera temps de faire des changements avant les condamnations a venir ! En esperant que les Verts a Paris resteront une force positive pour ces changements.

  3. 1-Quelle est la position des Verts du conseil de Paris sur la fermeture definitive de l’infirmerie psychiatrique et l’acceuil des detenus en procedure d’urgence (7 en moyenne par jour) dans les services psychiatrique des hopitaux publics parisien ?

    Article L3222-4 du code de la sante publique : Les établissements accueillant des malades atteints de troubles mentaux sont visités sans publicité préalable une fois par semestre par (..) le maire de la commune ou son représentant.

    2-Est ce que les elus et adjoints Verts du conseil de Paris pourraient organiser une visite de l’infirmerie psychiatrique, verifier les registres de detention et realiser un rapport de visite ?

    3-Est ce que les elus et adjoints Verts du conseil de Paris pourraient apres leur visite saisir officiellement le controleur general des lieux de privation de liberte (www.cglpl.fr) ? Il a ete deja ete saisi par des citoyens mais ne veux pas s’y rendre.

    Cela ferait de la "matiere" pour les reunions a venir avec la Prefecture de police qui depense plus de 3,6 millions d’euros par an (10 000eur/jour soit 1400 euros/personne/jour) dans les frais de fonctionnement de ce lieu de privation de liberte qui opere en pleine violation du code de la sante publique au niveau de l’emploi des medecins et de l’acquisition et la distribution des medicaments.

    La CNDS disparait…mais elle n’avait aucun pouvoir. Le defenseur des droits la remplace.

    Les citoyens doivent aller a la Cour europeene des Droits de l’Homme et ne pas perdre leur temps dans des voies de recours interne non effectives et non judiciaires.

    Merci d’avance pour vos reponses.

  4. Les Elus Verts ont déjà déposé des voeux pour demander la fermeture de l’infirmerie psychiatrique mais ils ont été les seuls à voter pour, tous les autres groupes politiques ont voté contre ou se sont abstenus. Nous n’avons pas les moyens juridiques de visiter l’infirmerie psychiatrique, à l’instar du droit des parlementaires qui peuvent visiter les prisons. Je ne sais pas si l’article cité comprend aussi l’infirmerie psychiatrique mais comme de toute façon c’est le maire qui est le bénéficiaire, inutile de préciser que ce dernier ne nous délèguera pas cette possibilité. Seul son adjoint chargé de la santé pourrait éventuellement l’obtenir… Je retiens volontiers la troisième proposition.

  5. Il y a le voeu no12 de fermeture de l’infirmerie pschiatrique du conseiller de Paris M. Alain LHOSTIS dans les seances du 26 et 27 mars 2007 que j’ai apercu et je n’ai pas retrouve le voeu des verts

    J’ose esperer qu’il existe un consensus au Conseil de Paris pour le respect des articles 5-1-e, 5-2 et 5-4 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertes Fondamentales a Paris et plus particulierement dans ce lieu "infirmerie psychiatrique".

    Avant la publication de l’avis de la CNDS a venir et avant une nouvelle condamnation a venir a la Cour europeene des Droits de l’Homme, la prefecture de police vient de publier dans la precipitation un nouveau reglement interieur de "l’infirmerie psychiatrique" au BMO-BDO no 60 du 7 aout 2009 remplacant celui de 2002.

    Il reste dans la pratique que les detenus n’ont pas acces ni au courrier, ni au telephone, ni au visites d’un avocat, de proche ou d’un medecin de leur choix et qu’il ne peuvent donc demander leur liberation par simple requete au juge des libertes et de la detention ou en refere liberte au ta de paris comme la loi le prevois. C’est une violation de l’article 5-4 de la Convention qui concerne 2 500 personnes par an !

    Le comite des ministres du Conseil de l’Europe est toujours dans l’attente de l’execution des mesures generales de l’arret R.L MJD c. France, que la prefecture pretend avoir pris depuis 2005.

    L’infirmerie psychiatrique a ete "visitee" discretement par le mediateur de la republique en 2007 deux fois.

    Je ne pense pas que si elus et adjoints Verts de Paris ainsi que des deputes/senateurs demande officiellement au prefet de police de visiter ce lieu, on le leur refuse.

    En cas de refus, cela renforcera la necesssite que ce lieu de privation de liberte soit visite dans les plus brefs delais par le Controleur general des lieux de privation de liberte!

    Merci de nous tenir au courant!

  6. Quelle étrange coïncidence. A peine ces commentaires sur mon blog et avant même que le courrier des éluEs Verts au Maire de Paris soit parti, une proposition du Maire de Paris d’organiser une visite pour les élus.

    Evidemment j’ai demandé à faire partie de la délégation…

  7. Ceci est une tres bonne nouvelle qu’une visite de "l’infirmerie policiere" puisse avoir lieu avant sa fermeture definitive !

    Le meilleur moment pour visiter ce lieu c’est vers 20h et puis vers 8h du matin.

    Vers 20h, on peut voir les barquettes repas mis au sol pour que les detenus les mangent. Il n’y a pas de table ni de chaise. On peut aussi observer le deshabillage a nu des detenus. Ceci sont oblige de renoncer a leur vetements (y compris chaussettes) et doivent marcher pieds nu avec un pijama trop grand jusqu’a leur cellule.

    Vers 8h du matin, on peut observer les detenus qui n’ayant pas dormi de la nuit (lumiere allumee dans les cellules en permanence) tambourinent aux portes pour aller aux toilettes. Ne vous inquietez pas on leur ouvre pas. Le reste des detenus dort jusqu’a 12h avec l’effet des medicaments.

    Aucun avocat et aucune famille n’ont encore pu penetrer dans ce lieu de privation de liberte pour rendre visite a leur client/proche.

    La fermeture de cet "infirmerie" est ineluctable, car elle est construite illegalement sur un terrain qui ne lui appartient pas, et que ce n’est pas un etablissement de sante!

    Pour lire des temoignage sur ce lieu baptise I3P ou IPPP voir le site du groupe information asile :

    http://www.groupeinfoasiles.org/

    Bonne visite! Ce serait une bonne idee d’inviter des journalistes. Liberation, Lemonde etc n’ont jamais pu y aller…

    Si vous voulez detendre l’atmosphere, demandez aux vigiles ("surveillants") combien d’avocat sont venus a l’infirmerie pour visiter leur client ? (en tant que detenu au moins 2)

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