La présentation des résultats du groupe de travail sur les hauteurs à Paris, ce mercredi 21 novembre, a permis de constater à quel point la ringardise a encore de beaux jours devant elle.
La question posée aux différentes équipes d’architectes se résumait à un parti pris idéologique et dogmatique : dépasser les règles actuelles qui fixent à 37m maximum la hauteur des constructions à Paris.
Les architectes ont donc répondu à la commande.
Devant l’ampleur des réactions négatives soulevées par certains projets, la Mairie de Paris tente maladroitement d’expliquer qu’il s’agissait non pas de se focaliser sur les hauteurs, mais de procéder à un aménagement urbain de zones en déshérence. Pourtant à aucun moment il n’a été question de cela et le voeu voté par le Conseil de Paris sur lequel s’appuie ce travail n’y fait aucunement référence.
Que n’ai-je entendu comme stupidités au cours de cette présentation !
Les tours seraient soudainement une façon de faciliter la ville durable ! Et moi qui croyais que tous les urbanistes étaient d’accord pour dire que la priorité était de lutter contre l’étalement urbain par la compacité et une relative densité. D’ailleurs le Grenelle de l’environnement fixe un objectif de coefficient d’occupation des sols de 2,5 alors qu’à Paris la règle est de 3 et la réalité déjà très souvent supérieure.
Les tours devraient être espacées de 300m pour se trouver devant les arrêts de tramway ou de métro ! Cette conception archaïque se traduit par des immenses espaces vides entre immeubles, et on sait à quel point cet urbanisme s’est traduit par des dysfonctionnements importants. De plus c’est la négation de l’espace public comme lieur de rencontre et de socialisation, au profit d’un métro-boulot-dodo encore plus rapide. Surtout ne marchons plus dans les rues, engouffrons nous dans le métro au pied de notre immeuble, nous serons sûrs de ne croiser personne et de ne pas faire de mauvaises rencontres, ni de bonnes non plus…
Il n’y aurait plus de pollution atmosphérique au delà du 8ème étage ! J’ai évidemment demandé à avoir communication des études sur lesquelles ces affirmations reposent car à ma connaissance aucune étude n’a été réalisée dans ce domaine.
J’arrête là l’énumération des sornettes entendues car la liste serait fastidieuse.
Les véritables motivations sont cependant apparues au fur et à mesure des discussions et présentations. Outre la volonté de marquer son passage comme édile, le Maire de Paris choisit manifestement de donner la priorité aux questions financières. La vente des droits à construire sera à l’évidence supérieure et permettra de financer les autres aménagements sans que la Ville ait à dépenser un centime. C’est ni plus ni moins que la privatisation de l’aménagement urbain.
Les projets sont parfois datés à un point inimaginable. Ainsi un projet envisage des immeubles traversés à mi-hauteur par le périphérique ! Vision délirante et conception des années 70, associées à une absence de réflexion sur l’avenir de cette infrastructure.
A cet égard j’ai été frappé par le manque d’audace et de créativité. A aucun moment il n’a été envisagé qu’un jour, même à une échéance de 30 ans, le périphérique puisse être autre chose que ce qu’il est aujourd’hui. Pourtant nombreux (et de plus en plus nombreux) sont ceux qui disent qu’à terme il faudra bien le transformer en boulevard urbain. Mais rien n’a été demandé aux équipes en la matière !!!
Autre exemple de ringardise : un des projets est présenté comme une « herse » à l’entrée de Paris ! Moi qui croyais qu’il fallait recoudre le tissu urbain entre Paris et sa banlieue ! Une herse ! Pourquoi pas des pont-levis et des tours de guet ?
Décidément ce débat est mal engagé. La volonté de faire des tours à n’importe quel prix pour faire moderne, se traduit par une totale absence de réflexion sur l’aménagement urbain de ces quartiers. D’ailleurs il est significatif qu’aucune concertation n’ait précédé ce travail alors que le moindre sens interdit donne lieu à 2 ou 3 réunions de concertation.
Un exemple précis montre à quel point la méthode retenue est spécieuse et mauvaise.
Le Maire de Paris s’est prononcé fortement et à juste titre sur l’implantation du futur Tribunal de grande instance (TGI) sur le quartier Masséna. Cela nécessite une surface de 100 000 m². Or dans le cahier des charges pour cette zone, la priorité ayant été donnée à une tour sur toute autre considération, l’équipement prévu n’est que de 50 000 m². Est-ce à dire qu’après le mois de mars 2008, la volonté du gouvernement d’imposer le TGI sur la zone Tolbiac deviendrait acceptable ?
Il faut reprendre le problème dans le bon sens. Poser la question du devenir de ces quartiers, des projets urbains possibles et seulement ensuite de la forme architecturale qui répondra à ces projets. On en est loin.
Pour finir avec un peu d’humour (car après tout le projet de tours n’est peut-être qu’un gros cannular électoral ?) je vous propose une vision prophétique du Paris des tours…
A se demander pourquoi vos collègues verts montpellierains n’ont pas la même phobie des tours.
Je trouve votre post très engagé mais pas très réfléchi.
– je ne comprends pas votre point sur la ville "durable". Si vous voulez rencontrer des gens ou sortir ce sont des espaces verts qu’il vous faut et seules des tours peuvent en dégager dans Paris.
-l’immeuble par dessus l’autoroute, cela existe à Rueil2000 et c’est une franche réussite, je vous invite à le voir.
-enfin les catastrophes annoncées n’auront pas lieu d’un point de vue urbanisme car par expérience, les tours on jusque ici été réservés uniquement à l’habitat social, aux bureaux, ou bien construites sur des dalles. On voit bien que les projets, aussi critiquables soient-ils, n’appartiennent pas à un urbanisme déjà existant en France.
Voilà, en exigeant des tours qu’elles soient mixtes, qu’elles libèrent des espaces publiques, la ville peut y gagner. Pour l’instant Paris se débat dans un carcans de 35 mètres de haut qui crée la rareté artificiellement à l’échelle de la région. Sans construire à 200m on peut très bien chercher des solutions en hauteur pour une aglomération de dix millions d’habitants. Mais vous n’avez visiblement pas de problème de logement (?).
Tout d’abord la question de mon logement n’a rien à faire dans le débat et je ne permets à personne de croire que je n’ai pas connu de galère en matière de logement. Pour le reste je constate qu’il est vraiment difficile de se faire comprendre et de raisonner au-delà du seul Paris intra-muros. Paris est une des villes les plus denses du monde avec des pointes à 40 000 habitants au Km² alors que les communes limitrophes ont des densités très faibles sauf exception. La priorité n’est pas à la densification maximale de Paris mais à un accroissement de la densité des villes de première couronne. Tous les urbanistes en conviennent, sauf ceux qui en font une question politicienne. Oui bien sûr il faut des espaces verts. Mais il suffit de voir comment sont traités les espaces verts entre les tours existantes pour se rendre compte que c’est souvent une affirmation assez théorique car la gestion de ces espaces montrent à satiété à quel point cela est autrement plus complexe. J’invite les hésitants à visiter le quartier du 13ème arrondissement hérissé de tours. C’est là qu’on trouve le plus grand linéaire de barrières et clôtures de toutes sortes pour délimiter les propriétés entre les tours. Cela porte le « beau » nom de résidentialisation ! Le résultat est édifiant. Au lieu d’avoir des lieux de convivialité et d’échanges on se trouve devant un repli sur soi et une peur des autres. C’est tout le contraire de la ville passante et accueillante. Bien sûr que le plafond de 37m est arbitraire et qu’il peut être soumis à débat. D’ailleurs les Verts ne se sont pas opposés au projet de Franck Ghery dans le bois de Boulogne alors qu’il culmine à 48m. De même les Verts ont affirmés qu’ils pouvaient accepter un équipement qui dépasse 37m. En revanche construire des bureaux supplémentaires dans Paris n’est pas une priorité. Si donc une tour est mixte, elle comprendra des centaines de milliers de m² supplémentaires alors que le PLU en prévoit déjà deux millions. Quant à faire du logement dans les tours, il y a deux hypothèses : soit du logement social soit du privé. Or là encore tout le monde s’accorde sur l’hérésie à faire du logement social dans les tours. Reste donc le logement privé. Et là se pose la question : pour qui ? Les charges sont considérables dans les tours, car les règlements imposent de très nombreuses contraintes. Que ce soit en copropriété ou en locatif, les habitants doivent donc disposer de revenus assez conséquents. La priorité de la municipalité doit-elle être de construire pour les catégories les plus aisées ? Pour ma part je trouve qu’il y a parfois de très belles tours et j’adore Manhattan. En revanche je vois comment cela se passe dans de nombreuses tours existantes et je ne crois pas que ce soit la solution à court ou moyen terme. Il y a plus urgent à faire.