Grand Paris, le débat s'accélère ! (2)

L’école d’architecture de Paris Val de Seine accueillait les 20 et 21 septembre, deux débats organisés conjointement par les ministères de la Culture et de l’Environnement sur le Grand Paris. Outre le grand intérêt des échanges, j’ai eu la chance de pouvoir intervenir pour préciser ma pensée sur ce qui me semble l’un des enjeux les plus importants des élections municipales à Paris et que le Chef de l’Etat cherche, une fois encore, à s’accaparer.

Paul Chemetov et Guy Burgel ont animé un débat complice sur le thème des échelles de territoire revenant de façon récurrente sur la nécessité, l’urgence et la primeur de l’action politique. Le lendemain, Yves Lion a choisi de partir du projet urbain pour démontrer les opportunités et les difficultés de la réalité du grand territoire de l’agglomération de Paris.

Le lieu retenu pour ce débat n’est pas neutre. Accolée au boulevard des maréchaux, à l’extrémité sud du 13è ardt et de l’opération d’urbanisme Paris Rive Gauche, la toute récente école d’architecture réalisée par Frédéric Borel incarne magistralement au sein du pôle universitaire, cette nouvelle centralité parisienne. Yves Lion est revenu sur le rôle de ce territoire qu’il connaît bien pour y avoir conçu en 2002 un vaste projet, ouvrant sans en mesurer alors la portée, le débat sur les tours. Mais la forme n’était pas le sujet du jour. Il a insisté sur les transformations urbaines à l’œuvre sur ce site et les signes évidents du fait qu’il incarne à tous égards le nouveau centre d’une agglomération de 8 millions d’habitants. Le choix d’y implanter le tribunal de Grande Instance n’en est-il pas la meilleure démonstration ? Même la distance entre les deux terrains qui font débats est invisible à cette échelle. « Ces lieux ne sont pas épouvantables ! » Pourquoi ne pas y installer l’Hôtel de Région ? le ministère des Affaires Etrangères ? Il s’agit pour lui, de sortir de l’enfermement et de la ségrégation qu’opèrent aujourd’hui les limites de Paris au cœur de son agglomération, de créer « des brèches », des liaisons pour ramifier progressivement Paris et les communes qui l’entourent afin que ces territoires puissent se densifier « pour en finir avec l’étalement urbain » comme il se dit au Grenelle de l’Environnement auquel Yves Lion participe.

Pour Paul Chemetov, éviter cet étalement est un enjeu majeur. Il a brossé les grandes étapes institutionnelles et urbaines de la croissance de l’agglomération parisienne en 200 ans pour mieux revenir sur les conditions contemporaines de son développement dans les années qui viennent en termes de mobilité (physique et sociale), de polarité (des nouveaux centres) et de mutualité (financière et institutionnelle) et non plus de consommation d’espace. La densité de Paris est trois fois supérieure à celle des départements limitrophes. Pour lui, un des enjeux majeurs est d’investir très massivement dans les transports en commun pour qu’ils atteignent au plus vite le même niveau de densité en proche couronne que dans Paris. À cet égard, Guy Burgel fait remarquer que le financement de Métrophérique (le métro de rocade, ex Orbital) n’est pas très élevé pour la région Ile de France dont le PIB atteint 500 milliards d’euros par an. Son coût, 5 milliards, n’en représente que 1%. Paul Chemetov estime qu’il faut investir environ 100 milliards sur une durée de 10 ans pour rééquilibrer Paris et la zone dense et que pour cela il est nécessaire d’emprunter sur 30 ans. Pour lui, Paris est une ville-monde. Les Franciliens vivent à Paris au sens de l’agglomération, et depuis l’étranger, Paris n’existe qu’à l’échelle de l’ensemble de la zone dense. Il récuse l’idée de la polycentralité estimant que plusieurs centres induisent nécessairement plusieurs périphéries et des zones indéfinies entre elles. Yves Lion pour sa part affirme simplement que les villes nouvelles ne sont pas terminées ! C’est un débat important.

Paul Chemetov rappelle sans cesse que l’avenir du grand Paris est une question de pouvoir mais précise aussi que sans l’indispensable projet qu’il appelle de ses vœux, l’action n’a pas de sens. Pour Guy Burgel, qui va dans le même sens, « la question est politique ». Il en appelle a une « alter-métropolisation » liée nécessairement à l’existence d’un gouvernement urbain fort opérant sur un territoire institutionnel de projet « solidaire, attractif et durable ». De ce point de vue, il considère que le rejet du SDRIF par le gouvernement n’est pas surprenant car précisément il ne reflète pas de projet au-delà des objectifs de gestion de la région.

Dans ce débat riche et argumenté, j’ai repris quelques idées qui me sont chères. Je ne crois pas que l’on puisse réussir le Grand Paris sans toucher aux frontières de la région. C’est une question d’échelle ! Je préconise le redécoupage des régions métropolitaines en 8 ou 9 entités comme la DATAR le proposait dans les années 80 pour en faire de réelles régions à l’échelle de l’Europe.

Dans ce schéma, regrouper peu ou prou l’ancien département de la Seine dans une structure intercommunale prendrait tout son sens à condition que ce soit les arrondissements de Paris, et non la commune de Paris, qui soit représentés. Cela permettrait de conjuguer la dimension de la représentation des régions en Europe tout en maintenant celle de la proximité des quartiers. Au passage j’ai rappelé la nécessité de supprimer les départements et d’inscrire l’élection des sénateurs dans le cadre régional. Paul Chemetov répond que si on réussit à lancer le débat sur le Grand Paris et à mettre en œuvre une dynamique autour de ce projet, tout l’édifice institutionnel s’écroulera et sera à revoir. Nous sommes bien d’accord ! Il faut du courage politique pour avancer et il reste à poursuivre la discussion, car manifestement dans la salle assez comble et remplie d’architectes, d’urbanistes et d’étudiants, j’étais le seul élu…

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