Dans son édition du 12 avril dernier, l’article au titre aguicheur « Grand Paris, grand défi, gros soucis » s’en prend violement aux élus Verts, parisiens et franciliens, sur un sujet d’actualité. Selon l’auteur, ces derniers seraient déjà responsables, alors que le dossier s’ouvre à peine, de l’immobilisme du Grand Paris ! Politique fiction, désinformation ou méthode Coué ?
L’auteur n’a pas vu les évènements passer et les opinions se construire. Arc-bouté sur la ligne médiatique dominante de la précédente mandature, il continue à vouloir faire porter à « la religion de l’écologie » et aux élus Verts la responsabilité de l’immobilisme politique parisien pour mieux encenser « l’homme de la situation », alias le Maire de Paris. Il en veut pour preuve, sans craindre le ridicule, que s’étant « opposés avec succès à la construction d’immeubles de grande hauteur dans la capitale», ces derniers bloquent « les grands projets de développement » et figent « Paris, donc l’Ile de France dans la naphtaline ».
Entendez donc que si Paris construit des tours, la relation avec son agglomération en sortira grandie ! Que si Paris construit des tours et récolte encore plus de taxe professionnelle, les autres communes en sortiront enrichies ! Que si Paris construit des tours, les 110 000 familles qui attendent un logement social à Paris trouveront satisfaction ! Que puisque le Maire s’est « débarrassé des Verts (…) les tours se feront » et que « c’est un signe » ! Et quel signe quand on sait que les parisiens se sont prononcés par écrit à 95% contre cette idée ! Encore un petit effort et après avoir contribué à façonner une opinion anti-verts pendant 6 années où ils ont œuvré à la transformation pendant que « l’homme de la situation » s’attachait à en récupérer les bénéfices, ce journaliste leur fera porter les erreurs éventuelles de la mandature qui s’ouvre avant même que les décisions ne soient prises. Quelle leçon d’objectivité !
Au fil de l’article, même les rappels historiques ne permettent en rien d’éclairer les décisions qui devront être prises, bien au contraire. N’en déplaise au journaliste dont les propos en faveur d’une croissance à tout prix rappellent la vision du monde d’il y a quarante ans, les choix qui seront faits pour la première région de France porteront la marque de la prise de conscience portée par l’écologie politique.
Réussir à écrire, en avril 2008, que la « préservation de l’environnement freine les projets de développement » constitue un exploit d’archaïsme inégalé dans la presse du moment qui lui vaut de rejoindre brillamment le clan des négationnistes du dérèglement climatique.
Fort heureusement, les questions du rapport entre Paris et son agglomération sont bien plus sérieuses. Le constat politique, autour de ce projet attendu de l’évolution institutionnelle de la zone dense francilienne, fait apparaître à ce stade des clivages non pas partisans mais locaux. Les partis, en pleine recherche de positionnement, voient sans joie nombre d’élus confondre leur statut personnel et celui de leur institution et les crispations s’empiler comme les échelons des mandats électifs.
Le débat démocratique est pourtant bel et bien lancé, plusieurs visions géostratégiques s’affrontent, les scenarii et les calendriers s’installent, les stratégies et les rapports de force aussi. L’heure est aux propositions pour un projet politique crucial qui doit donner à l’agglomération parisienne et à la région Ile de France les moyens de leurs ambitions mais aussi tracer les lignes d’une métropole vivable pour ses habitants, aujourd’hui et demain. Les Verts y travaillent sérieusement sur la base du SDRIF dont ils peuvent revendiquer une bonne part de responsabilité.
Ce foisonnement de réflexions irrigue tous les milieux, des citoyens aux élus et sa diffusion est primordiale. Il faut maintenant que le chef de l’Etat sache respecter aussi le temps et la forme de la concertation, essentiel à la mise en oeuvre de ce grand dessein.
Il serait dommage que Le Monde caricature déjà les points de vue de ce débat complexe pour se cantonner à soutenir tel candidat potentiel à l’investiture suprême.