Point de vue paru dans La Tribune du 6 mai 2004
Alors que le parlement est saisi de la loi de décentralisation, le fossé se creuse entre les collectivités territoriales chargées de la gestion des déchets ménagers et les industriels qui mettent les emballages sur le marché
Le 9 avril, la commission consultative d’agrément pour les déchets d’emballages ménagers s’est réunie au ministère de l’écologie. A l’unanimité, les représentants des collectivités territoriales ont rejeté les propositions de renouvellement de l’agrément des deux sociétés Éco-emballages et Adelphe. Ces sociétés appartiennent aux producteurs et sociétés utilisatrices d’emballages ménagers et gèrent le système de financement, le « point vert », censé assurer l’élimination de ces d’emballages. Leurs propositions pour les cinq prochaines années ont, en effet, été jugées inacceptables.
Le congrès des maires de France, en novembre, avait déjà donné l’alerte. Il s’était prononcé à l’unanimité pour que le dispositif de financement couvre, à terme, l’intégralité des dépenses de collecte et de traitement des emballages ménagers aujourd’hui financées par les communes. Les Maires de France renvoyaient ainsi les industriels à leurs responsabilités de producteurs qui mettent sur le marché des biens jetables et trop souvent non recyclables, dont les collectivités doivent ensuite prendre en charge les déchets. Les collectivités sont démunies face la logique purement financière des sociétés agréées, qui imposent des » prescriptions techniques minimales « , permettant de refuser le recyclage de nombreux déchets alors que les coûts explosent.
Au-delà du financement, le dispositif est totalement contraire aux objectifs du développement durable. L’utilisation d’emballages toujours aussi jetables et, dans la majorité des cas, non recyclables, n’est jamais remise en cause. Les emballages jetables sont chaque année plus nombreux et composés de matériaux plus complexes, sans que les sociétés agréées et les pouvoirs publics ne prennent des mesures sérieuses pour la promotion d’emballages durables.
Pourtant, le Président de la République lui même, à Johannesburg, appelait à la » révolution de nos modes de production et de consommation « , notamment à travers » des systèmes économes en ressources naturelles, économes en déchets, économes en pollutions « . Dans les faits, le gouvernement favorise un système de gestion des déchets d’emballages en complète contradiction avec ces objectifs.
Enfin, l’agrément proposé va pérenniser la tromperie des consommateurs à travers le fameux » point vert « . Ce symbole, présent sur presque tous les emballages, laisse croire que ces derniers sont recyclables. Il s’agit, en fait, de signaler aux pouvoirs publics que l’industriel s’est acquitté de sa contribution financière relative aux emballages. Jamais, le point vert, n’indique qu’un emballage peut être trié par le consommateur.
Là encore, il s’agit d’un détournement. Ce qui devait être un outil citoyen, permettant à chacun de participer à une gestion durable des déchets, est en fait un logo marketing à la signification confuse mais globalement valorisante car renvoyant aux valeurs écologistes.
La gestion durable des emballages est aujourd’hui une nécessité. Cela passera bien entendu par l’application pleine et entière du principe pollueur-payeur, mais aussi par la suppression des sociétés agréées, actuellement juges et parties. Elles seraient avantageusement remplacées par une agence publique, indépendante des producteurs, chargée d’une gestion durable des déchets, c’est à dire d’abord de leur réduction à la source. Un dispositif rénové devrait s’appuyer sur une politique de communication ambitieuse et cohérente avec en clé de voûte un point vert uniquement utilisé sur les emballages pouvant effectivement être triés et recyclés.
Il est cependant probable que ces objectifs élémentaires ne soient pas atteignables dans le contexte politique actuel. Le projet de charte de l’environnement prévoit en effet un véritable droit à polluer grâce à son article 4 qui réduit les obligations des pollueurs à une simple » contribution » à la » réparation » des dégâts qu’ils engendrent. Ce n’est là que la généralisation, dans les principes, du dispositif français du point vert dont les collectivités, l’environnement et les consommateurs sont les victimes.