Le Maire de Paris a enfin fait connaître ses propositions à la Fédération française de tennis (FFT) pour que le tournoi de Roland Garros reste à tout prix à Paris.
A tout prix puisqu’il est prêt à faire cadeau de 2 milliards d’euros à la FFT en diminuant l’actuelle redevance payée pour l’occupation du site.
J’ai dénoncé ce projet lors du Conseil de Paris cet après-midi (14 décembre).
Voici le texte de mon intervention.
N’ayant pas été destinataire des propositions faites à la FFT, mais ayant lu ce qui a été publié, il semble nécessaire de rétablir quelques vérités.
A propos des serres d’Auteuil.
Je lis que la commission des sites aurait donné son accord au projet.
J’ai entendu, comme tous ses membres, le Préfet préciser qu’il n’en était rien et que la Commission ne se prononçait que sur l’autorisation de poursuivre l’étude de faisabilité.
Je lis que les 26 000 signataires de la pétition contre le projet ne sauraient pas ce qu’ils ont signé.
Je suis frappé de constater que c’est exactement l’argumentation employée par le Gouvernement à l’endroit des lycéens qui manifestaient contre la funeste réforme du gouvernement. Nicolas Hulot, Alain Baraton, Jean-Pierre Marielle, Françoise Hardy, les directeurs de jardins botaniques, du muséum, etc. ne seraient donc pas capables de savoir à quoi ils s’engagent ?
Je lis que les spectateurs traversent déjà le square des poètes et que cela ne changera donc rien.
Je suis au regret de dire que pendant le tournoi les spectateurs ne peuvent pas traverser le square et sont orientés de façon à contourner ce square alors que dans le projet ce serait 80 000 traversées quotidiennes.
Je lis que les serres chaudes ne seraient pas accessibles au public actuellement.
Je suis consterné de constater que les superbes panneaux d’accueil pédagogiques qui figurent dans ces serres, à destination du public et tout particulièrement des scolaires, sont méconnus ou ignorés de la sorte.
Je lis, ici ou là, qu’il s’agirait de serres en plastique datant de 1980 voire 2000.
Je tiens à disposition l’étude historique qui rappelle que la construction des serres chaudes date de 1905 et que c’est la réhabilitation qui date de 1978, excluant tout morceau de plastique.
Je lis que les collections seraient transférées pour partie au Parc Floral.
Je suis au regret de dire qu’il n’y a pas de serres pour les accueillir et que toute construction est strictement interdite dans cet espace boisé classé.
En revanche,
- Je ne lis évidemment pas que le projet se traduirait par l’abattage d’arbres remarquables.
- Je ne lis évidemment pas que les services techniques de la DEVE n’ont aucun lieu de repli alors qu’il est prévu de leur confisquer leurs locaux.
- Je ne lis évidemment pas qu’il s’agirait de privatiser un jardin public, partie intégrante du jardin botanique, pendant le tournoi mais aussi pendant tous les évènements qui se dérouleraient sur le site.
- Je ne lis évidemment pas quelles seraient les manifestations qui seraient organisées dans ce nouveau « Zénith » de l’ouest parisien, quelles en seraient les fréquences, les conséquences pour la fréquentation du site, etc.
A propos de la relocalisation éventuelle du Tournoi
Je lis qu’une relocalisation en Ile de France se traduirait par une destruction de terres agricoles.
Je ne lis pas qu’au moins un des terrains potentiels est un terrain militaire et non une terre cultivée.
Je ne lis pas non plus qu’en 1978, l’US Open a quitté Forest-Hills pour prendre ses quartiers à Flushing Meadows ni qu’en 1988, l’Open d’Australie s’est implanté à Melbourne Park après un long séjour à Kooyong.
Je ne lis pas qu’aucun des deux n’a eu à le regretter, bien au contraire.
Le jour où Paris acceptera de céder à ses voisins ses « pépites » et pas seulement ses poubelles et ses cimetières, il sera possible de parler de Paris-Métropole.
A propos de la redevance :
D’après les informations publiées dans la presse il est prévu d’augmenter la concession de 4,5 ha pour arriver à une surface totale de 13 ha.
En appliquant les règles actuelles de la concession (1,6 M€ pour 6 ha) la redevance devrait légitimement passer à 3,5 M€.
Or la Ville aurait proposé 3 M€ pendant 3 ans soit une diminution de 13,44 % du montant actuel de la redevance au m².
Faut-il rappeler que le rapport de l’Inspection Générale de mai 2008 soulignait déjà la faiblesse de la redevance actuelle estimant qu’elle devrait être fixée à 19 M€ par an.
Il est dit que la redevance réelle pourrait atteindre 5 ou 7 M€. Pour cela il faudrait que le CA atteigne respectivement 160 et 190 M€. Or sur cette base et en appliquant les propositions de l’IG, la Ville devrait percevoir 26,25 ou 28,5 M€, soit un cadeau annuel de plus de 20 M€.
Sur la durée proposée de 99 ans cela fait un manque à gagner de près de 2 milliards d’euros pour la Ville et les contribuables parisiens !
On comprend bien pourquoi les responsables de la FFT parlent d’offre inespérée puisque les investissements envisagés seront remboursés 8 fois. Les spéculateurs doivent se dire que c’est une des meilleures rentabilités qu’ils puissent trouver.
Offre d’autant plus inespérée qu’en décembre 2008, à l’initiative de l’exécutif, le Conseil de Paris a voté un vœu précisant :
Depuis 2001, à chaque échéance d’une concession, la ville a saisi cette opportunité pour relever sensiblement le niveau des redevances versées par les concessionnaires ; il en sera de même pour Roland Garros, soit au terme de la convention en cours, soit préalablement si la FFT devait solliciter un avenant. Le rapport de l’Inspection Générale a d’ailleurs été commandé par le Maire dans la perspective d’une éventuelle renégociation au cours des prochaines années.
Faut-il rappeler également comme le fait le rapport de l’IG que la transparence de la FFT n’est pas son point fort :
Je cite
Une plus grande transparence en ce domaine s’impose. Ainsi, malgré les demandes des rapporteurs et la note du directeur de cabinet du Maire de Paris, il n’a pas été possible d’obtenir de la F.F.T. les conventions passées avec les sponsors, partenaires et mécènes.
Il va de soi que ce cadeau soulève une question juridique
Je cite encore le rapport de l’IG :
Il est important de rappeler que l’article L. 2125-3 du Code général de la propriété des collectivités publiques énonce que « la redevance due pour l’occupation ou l’utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l’autorisation.
Par ailleurs je voudrais rappeler qu’à l’initiative de Jacques Bravo et Jean-François Legaret le Conseil de Paris a voté à l’unanimité, en juin 2004, un vœu demandant qu’aucune concession n’ait une durée supérieure à 25 ans.
En conclusion
- Ce projet est contraire aux intérêts économiques et financiers de Paris.
- Ce projet est contraire à la législation et aux décisions du Conseil de Paris.
- Ce projet est contraire aux intérêts écologiques et culturels de Paris.
- Ce projet est contraire aux intérêts collectifs du Grand Paris.
Il est donc nécessaire de l’abandonner et d’y substituer un autre projet, solidaire de la métropole.
Un grand bravo à M. Contassot pour son courage et sa rigueur.
Un recours serait-il possible ?
Sait-on comment se positionnent les champions (et ex) de tennis français (et autres, si cela les intéresse…) ?
La quasi totalité des grands joueurs et des grandes joueuses (à l’exception de Yannick Noah, et on peut comprendre pourquoi) s’est prononcée pour le départ de Roland Garros du site historique, estimant que l’extension prévue sur les serres d’Auteuil resterait insuffisante.