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Necker : désaveu cinglant pour l'APHP et la Mairie de Paris

L’APHP a décidé de restructurer la plupart de ses hôpitaux suivant deux grands principes.

Le premier consiste à fermer de nombreux établissements pour les regrouper dans des « super hôpitaux » afin de les rentabiliser.

Le second a pour objectif de reconstruire la plupart des bâtiments existants sous forme de monstres architecturaux.

Cette volonté se traduit déjà dans les faits à Paris par plusieurs fermetures et par divers projets architecturaux.

Le dernier en date concerne l’hôpital Necker. L’APHP veut restructurer le site pour que les médecins n’aient plus à passer d’un bâtiment à l’autre mais que tout se trouve dans un seul bâtiment gigantesque.

Necker projet 3Pour cela l’APHP a déposé un permis de démolir et un permis de construire, accordés par le Maire de Paris après une polémique assez vive.

En effet, malgré l’inscription de l’Hôtel de Texier de Courcel sur la liste des bâtiments protégés au titre du patrimoine dans le PLU, le Maire de Paris a accepté sa démolition pour satisfaire au lobby des médecins. Ces derniers prétendaient que les malades (notamment les enfants) seraient mieux soignés dans les nouveaux bâtiments que dans les anciens.

Les associations de sauvegarde du patrimoine (dont Paris historique) ont donc saisi le juge des référés pour suspendre les permis, car chacun sait qu’une fois les travaux commencés tout va très vite et qu’il est trop tard pour empêcher le vandalisme.

necker_actuelLe site de l’association monts14 dont les photos sont issues, rend bien compte de l’état actuel et du projet.

L’ordonnance rendue le 21 décembre est particulièrement dure pour l’APHP et la Mairie de Paris. Non seulement les demandes de la Mairie et de l’APHP sont rejetées mais le juge donne raison sur tous les points aux associations.

Ainsi il est dit que l’APHP n’apporte aucun élément tendant à démontrer que la nouvelle structure serait plus sécurisée que l’actuelle pour les malades.

Le fait que l’APHP envisage de construire sur le domaine public est sérieusement pris en compte.

La Ville de Paris est particulièrement critiquée pour contester les effets du PLU notamment les protections ville de Paris (PVP) contre lesquelles le Préfet s’était insurgé et que la Ville avait fortement défendues.

Le juge rappelle que le patrimoine est autant d’intérêt public que les volontés de l’APHP en matière d’organisation de l’hôpital…

Bref, c’est un sans faute pour les associations qui reçoivent même 3000 € de dommages et intérêts alors que c’est la Mairie de Paris qui les réclamait.

Depuis le début j’ai dit ce que je pensais de ce dossier, mal préparé, pas du tout environnemental, strictement financier et conçu par un architecte connu pour ses réalisations… toujours proches du pouvoir chiraquien.

J’avais indiqué que les risques de recours étaient élevés et que la position de la Ville était fragile.

Comme pour les tennis de Lagardère ou le stade Jean Bouin, le Maire de Paris n’a pas écouté les bons conseils…

Cela se paie…

Lagardère sauvé par Sarkozy ?

La concession de la Croix Catelan dans le bois de Boulogne était jusqu’à une date récente confiée au Racing Club de France.

Après une parodie d’appel d’offres et en dépit de projets plus populaires, la droite et le PS se sont mis d’accord pour accorder ce lieu prestigieux à Arnaud Lagardère.

Non content d’avoir emporté le morceau, M. Lagardère, qui pense que tout lui est dû, a décidé de modifier considérablement le site, au mépris de la loi et des règlements.

Ainsi, il a déposé un permis de construire pour couvrir une bonne partie des tennis (avant sans doute de faire la même chose pour la piscine), en violation de la loi sur les espaces boisés et classés qui interdit formellement ce genre d’aménagements.

L’image présentée en commission des sites était d’ailleurs « truquée » puisqu’elle a été réalisée à partir d’une photo prise en été alors qu’en hiver les arbres n’ont plus de feuilles. Curieuse façon de présenter un projet de la part d’un spécialiste de la communication. A moins que l’on trouve les mêmes manipulations dans les différents journaux qui lui appartiennent.

Comme le Maire de Paris se targue d’être un de ses amis, la Ville de Paris n’a pas osé rejeter le permis de construire en le déclarant illégal. Aussi a-t-elle transmis le dossier à la Commission des sites, organe habilité à donner un avis sur tous les projets concernant les sites classés.

Là encore, on a pu voir à quel point les connivences sont étranges entre M. Lagardère et l’Etat. Un représentant du ministère de la jeunesse et des sports a été invité à titre d’expert, en contradiction absolue avec les règles de fonctionnement de la commission. Ce dernier a évidemment longuement plaidé pour que le dossier reçoive un avis positif.

LPrécatelan‘architecte des bâtiments de France et l’inspecteur des sites ont naturellement expliqué longuement et avec forces arguments à quel point le projet était irrecevable. Les deux élus Verts présents (Jacques Boutault et Jean-François Blet) ont également plaidé pour le rejet de ce massacre paysager, argumentant également sur l’irrecevabilité juridique du permis. Nouvelle surprise, un représentant de la direction de l’urbanisme de la Ville de Paris a quasiment réécrit en séance le PLU pour expliquer le contraire de ce qui y est écrit ! Il n’a pas hésité à prétendre qu’un tennis était une construction !

Au moment du vote, nouvelles surprises : les représentants de l’Etat qui avaient « assassiné » le dossier se sont abstenus au lieu de voter contre. L’explication sera donnée « off » : ils avaient reçu des ordres formels de ne pas voter contre ! Quelle indépendance !

Finalement une majorité de 8 contre 5 s’est dégagée pour recaler le dossier.

Cependant l’avis de la commission n’est que consultatif et c’est au gouvernement de prendre la décision finale. Nul doute que M. Lagardère saura utiliser ses amitiés (bien réelles) au plus haut sommet de l’Etat pour influencer le point de vue du ministre de l’Environnement…

Le permis de construire risque donc d’être délivré en toute illégalité par simple copinage.

Il va de soi que les arguments développés lors de la commission des sites seront de nouveau utilisés dans les procédures judiciaires qui ne manqueront pas de se faire jour si un tel permis était autorisé. En effet, cela créerait une jurisprudence tout à fait détestable car tous les tennis et autres équipements pourraient recevoir une couverture lorsqu’ils se trouvent dans un espace boisé classé. C’en serait fini de ce classement.

J’avoue ma stupéfaction devant l’aplatissement d’élus de gauche devant les riches hommes d’affaires. Mitterrand parlait du mur de l’argent qui se dresse toujours devant les politiques de gauche. Je me demande si aujourd’hui ce n’est pas l’inverse : la gauche ne se dresse plus mais elle courbe l’échine.

Il est temps que les valeurs de justice et de démocratie retrouvent, au sein de la gauche, la place qu’elles n’auraient jamais dû perdre.