La concession de la Croix Catelan dans le bois de Boulogne était jusqu’à une date récente confiée au Racing Club de France.
Après une parodie d’appel d’offres et en dépit de projets plus populaires, la droite et le PS se sont mis d’accord pour accorder ce lieu prestigieux à Arnaud Lagardère.
Non content d’avoir emporté le morceau, M. Lagardère, qui pense que tout lui est dû, a décidé de modifier considérablement le site, au mépris de la loi et des règlements.
Ainsi, il a déposé un permis de construire pour couvrir une bonne partie des tennis (avant sans doute de faire la même chose pour la piscine), en violation de la loi sur les espaces boisés et classés qui interdit formellement ce genre d’aménagements.
L’image présentée en commission des sites était d’ailleurs « truquée » puisqu’elle a été réalisée à partir d’une photo prise en été alors qu’en hiver les arbres n’ont plus de feuilles. Curieuse façon de présenter un projet de la part d’un spécialiste de la communication. A moins que l’on trouve les mêmes manipulations dans les différents journaux qui lui appartiennent.
Comme le Maire de Paris se targue d’être un de ses amis, la Ville de Paris n’a pas osé rejeter le permis de construire en le déclarant illégal. Aussi a-t-elle transmis le dossier à la Commission des sites, organe habilité à donner un avis sur tous les projets concernant les sites classés.
Là encore, on a pu voir à quel point les connivences sont étranges entre M. Lagardère et l’Etat. Un représentant du ministère de la jeunesse et des sports a été invité à titre d’expert, en contradiction absolue avec les règles de fonctionnement de la commission. Ce dernier a évidemment longuement plaidé pour que le dossier reçoive un avis positif.
L‘architecte des bâtiments de France et l’inspecteur des sites ont naturellement expliqué longuement et avec forces arguments à quel point le projet était irrecevable. Les deux élus Verts présents (Jacques Boutault et Jean-François Blet) ont également plaidé pour le rejet de ce massacre paysager, argumentant également sur l’irrecevabilité juridique du permis. Nouvelle surprise, un représentant de la direction de l’urbanisme de la Ville de Paris a quasiment réécrit en séance le PLU pour expliquer le contraire de ce qui y est écrit ! Il n’a pas hésité à prétendre qu’un tennis était une construction !
Au moment du vote, nouvelles surprises : les représentants de l’Etat qui avaient « assassiné » le dossier se sont abstenus au lieu de voter contre. L’explication sera donnée « off » : ils avaient reçu des ordres formels de ne pas voter contre ! Quelle indépendance !
Finalement une majorité de 8 contre 5 s’est dégagée pour recaler le dossier.
Cependant l’avis de la commission n’est que consultatif et c’est au gouvernement de prendre la décision finale. Nul doute que M. Lagardère saura utiliser ses amitiés (bien réelles) au plus haut sommet de l’Etat pour influencer le point de vue du ministre de l’Environnement…
Le permis de construire risque donc d’être délivré en toute illégalité par simple copinage.
Il va de soi que les arguments développés lors de la commission des sites seront de nouveau utilisés dans les procédures judiciaires qui ne manqueront pas de se faire jour si un tel permis était autorisé. En effet, cela créerait une jurisprudence tout à fait détestable car tous les tennis et autres équipements pourraient recevoir une couverture lorsqu’ils se trouvent dans un espace boisé classé. C’en serait fini de ce classement.
J’avoue ma stupéfaction devant l’aplatissement d’élus de gauche devant les riches hommes d’affaires. Mitterrand parlait du mur de l’argent qui se dresse toujours devant les politiques de gauche. Je me demande si aujourd’hui ce n’est pas l’inverse : la gauche ne se dresse plus mais elle courbe l’échine.
Il est temps que les valeurs de justice et de démocratie retrouvent, au sein de la gauche, la place qu’elles n’auraient jamais dû perdre.
Il va sans dire que si le projet de Mr Lagardère est autorisé, tous les autres clubs du Bois de Boulogne comme le Polo ou le Tir Aux Pigeons pourront à leur tour couvrir leur courts de tennis l’hiver et pourquoi pas la piscine ! ceci aurait un effet désastreux sur le paysage du Bois et de son équilibre environnemental; qui dit bulles dit également chauffage et dépense énergétique supplémentaire.