Va-t-on laver les trottoirs et les égouts à l'eau potable ?

Cette question ne relève pas de la spéculation intellectuelle ou d’un excès de consommation de champignons halucinogènes mais d’un débat sérieux au sein du Conseil de Paris.

Depuis des années, certains ingénieurs de la Ville de Paris rêvent de laisser leur nom à la postérité en supprimant le réseau d’eau non potable créé Belgrand par à la fin du 19è siècle.

Comme cela est difficilement acceptable lorsqu’on sait que près d’un milliard d’êtres humains n’ont pas accès à une eau potable de qualité, ils essaient par tous les moyens de trouver des justifications à leur délire.

Ils viennent de commander une étude sur le réseau d’eau non potable à un bureau d’études, mais le rapport a été très largement réécrit pour coller avec leurs envies. Malheureusement ils ne sont pas à la hauteur de leur désir et de nombreuses coquilles permettent de retrouver l’analyse réelle du réseau.

Devant une telle situation j’ai déposé un voeu lors du Conseil de Paris des 2 et 3 février. Ce voeu qui démonte le rapport réécrit, demandait de tout reprendre à zéro dans la transparence pour prendre les bonnes décisions en toute connaissance de cause.

L’exécutif n’a pas voulu déjuger totalement les services concernés et n’a donc pas accepté le voeu en l’état mais a proposé un voeu alternatif qui arrive aux mêmes conclusions.

Vous touverez, ci-dessous, le voeu que j’ai déposé.

Vœu relatif au réseau d’eau non potable

déposé par YVES CONTASSOT ET LES ÉLUES DU GROUPE LES VERTS

Sur la forme,

Considérant que le Conseil de Paris des 12 et 13 novembre 2007 a adopté un vœu relatif au réseau d’eau non potable à Paris.

Considérant que ce vœu engageait la Ville de Paris à :

  • Maintenir le réseau d’eau non potable à Paris,
  • Remettre en état ce réseau dès l’adoption du vœu et cela pendant une période de 5 ans maximum,
  • Etendre le réseau d’eau non potable de façon systématique dans les nouvelles zones d’aménagement et notamment les Batignolles,
  • Faire une première inscription non symbolique au budget primitif de 2008.

Considérant que ce vœu a été adopté à l’unanimité,

Considérant que les Verts ont déposé un nouveau vœu au Conseil de Paris des 24 et 25 novembre 2008 dans lequel ils s’étonnaient notamment de rumeurs faisant état d’une remise en cause éventuelle de ses engagements,

Considérant que l’exécutif a proposé un vœu alternatif dans lequel il s’engageait à mener des études complémentaires sur le réseau d’eau non potable,

Considérant que ce vœu précisait qu’une concertation entre les groupes politiques serait organisée à ce sujet,

Considérant que depuis la Ville de Paris a lancé en catimini et sans débat préalable en Conseil de Paris, un appel d’offres au mépris des vœux adoptés précédemment,

Considérant que cet appel d’offres n’est pas conforme aux engagements pris notamment le dernier alinéa du vœu de l’exécutif du dernier Conseil de Paris,

Considérant que le CCTP de l’appel d’offre fait apparaître les modifications successives qui y ont été apportées,

Considérant que la dernière version a supprimé la phrase suivante : « l’étude sera suivie par un comité de pilotage rassemblant les élus et services municipaux impliqués dans l’évolution du mode de gestion de l’eau »,

Considérant que cela dénote à tout le moins un manque de transparence évident,

Considérant qu’il est urgent de respecter les décisions du Conseil de Paris,

Sur le fond,

Sur le niveau de fuites :

Considérant que la seule étude sur laquelle s’appuie la ville est celle réalisée par la SAFEGE,

Considérant que le rapport remis par cette société a fait l’objet d’une réécriture importante par les services de la Ville, jetant ainsi un doute certain sur l’impartialité de ce rapport,

Considérant que la note de bas de page du rapport précise que la version initiale porte la date du 21 juin 2007 et a été modifiée par un cadre de la DPE (notoirement connu pour son hostilité au maintien du réseau d’eau non potable) en date du 30 octobre 2007, soit plus de 4 mois plus tard,

Considérant qu’au cours du précédent mandat, le responsable de la DPE en charge de ce dossier a annoncé des niveaux de fuites variant de 20 à 50% selon les réunions, précisant que cela ne reposait que sur des impressions,

Considérant qu’il n’existe pas de compteurs mesurant la consommation ce qui interdit toute mesure réelle et non contestable,

Considérant qu’aucune étude sérieuse n’a permis de mesurer le niveau de fuites du réseau d’eau non potable,

Considérant qu’ayant interrogé des personnes en charge de la délégation de service public relative à l’eau non potable, ces dernières estiment que le niveau de fuites est plus près de 20% que des autres nombres avancés,

Considérant que toute l’argumentation du service de l’eau et de l’assainissement (STEA) repose précisément sur le niveau de fuites pour conclure à la nécessité de supprimer le réseau d’eau non potable,

Considérant qu’ainsi il existe un doute sérieux sur la fiabilité dudit rapport et l’impartialité du contenu, Sur l’état du réseau :

Considérant que le rapport réécrit par le STEA indique que près de 30% du réseau d’eau non potable serait en mauvais état,

Considérant que le rapport ne retient pas les mêmes typologies de classement pour le réseau d’eau potable (acceptable, moyen, sensible) et pour le réseau d’eau non potable (acceptable, mauvais), sans qu’aucune explication valable ne soit apportée pour justifier une telle différence,

Considérant que le rapport indique que le pourcentage de linéaire du réseau d’eau potable considéré comme sensible est de l’ordre de 5% (environ 100 Km sur un total légèrement supérieur à 2000 Km),

Considérant que pour l’eau non potable le pourcentage moyen de linéaire considéré comme sensible atteint 23%, soit plus de 400 Km sur un total de 1820 Km

Considérant cependant que la réécriture du rapport par le STEA n’a pas abouti à gommer la réalité puisque la version initiale n’a pas été modifiée entièrement, laissant ainsi apparaître la ventilation du réseau d’eau non potable avec les mêmes critères que pour le réseau d’eau potable,

Considérant qu’avec cette répartition en trois niveaux, le linéaire sensible est ramené à 135km soit 7% du linéaire total,

Considérant qu’ainsi les deux réseaux ont pratiquement le même pourcentage de linéaire sensible,

Considérant qu’il résulte de cette manipulation une volonté manifeste de faire croire que le réseau d’eau non potable est en plus mauvais état que le réseau d’eau potable, ce qui est faux,

Sur les réparations à effectuer :

Considérant que le rapport fait apparaître que la principale raison des fuites sur le réseau d’eau non potable provient des joints et des supports,

Considérant que le rapport précise qu’il faut systématiquement changer les canalisations d’eau non potable,

Considérant qu’il existe aujourd’hui des technique permettant de remplacer les supports sans avoir à démonter le réseau et à changer les canalisations,

Considérant que le remplacement des joints ne se pratique plus dans la plupart des cas afin d’éviter le démontage et le remplacement des conduites,

Considérant que les joints font l’objet de la technique dite d’encapsulage qui consiste à recouvrir la portion des conduites reliées par un joint d’un matériau empêchant les fuites sans aucun démontage,

Considérant que ces techniques ne sont pas évoquées dans le rapport,

Considérant que cela ne saurait être le fruit d’un oubli ou d’une méconnaissance technique,

Considérant qu’il s’agit donc d’une volonté d’accroître encore les coûts d’entretien

du réseau d’eau non potable,

Sur les usages :

Considérant que la DPE a volontairement réduit l’usage de l’eau pour le lavage de l’espace public, considérant la rareté de cette ressource,

Considérant que la ZAC Paris Rive Gauche de dispose pas de réseau d’eau non potable,

Considérant que cela rend plus difficile le nettoyage des rues et trottoirs car il ne peut être fait appel au coulage des caniveaux,

Considérant que des essais ont été effectués pour trouver des moyens de substitution à cette situation unanimement regrettée par la majorité municipale alors,

Considérant qu’aucune solution n’a été admise comme satisfaisante,

Considérant que l’obligation d’utiliser de l’eau potable a été jugée comme inacceptable dans son principe au moment même ou près d’un milliard d’êtres humains n’a pas accès à une eau potable de qualité,

Considérant qu’aucune autre ville au monde ne lave les trottoirs aussi fréquemment que la Ville de Paris, puisque celle-ci est la seule à détenir un réseau d’eau non potable,

Considérant que l’appel d’offres lancé en catimini le 18 décembre précisait que « les parisiens auront du mal à considérer le lavage des rues et des égouts à l’eau potable comme une démarche de progrès », ajoutant que « Pour des raisons d’ordre culturel et psychologique, fondées sur des préoccupations écologiques, ils comprendront difficilement les raisons techniques et économiques ayant conduit à l’éventuel abandon de ce réseau »,

Considérant que cela prouve que la Ville n’a pas d’assise solide pour justifier de l’abandon du réseau d’eau non potable,

Considérant qu’il ressort du rapport SAFEGE réécrit par le STEA que la Ville de Paris est inquiète de la baisse régulière de la consommation d’eau potable,

Considérant que d’autres producteurs d’eau potable ont les mêmes préoccupations,

Considérant qu’il est assez évident que la Ville de Paris ainsi que ces autres producteurs se trouvent ou vont se trouver rapidement en surcapacité de production,

Considérant que pour compenser cette baisse de consommation et faire face à cette surproduction, la Ville de Paris espère substituer l’utilisation de l’eau potable à celle de l’eau non potable afin de ne pas poser la question des moyens de production de l’eau potable,

Considérant que les travaux réalisés dans les jardins et parcs de la Ville de Paris depuis mars 2001 ont eu, notamment, pour principe le remplacement de l’arrosage à l’eau potable par de l’eau non potable ou eau pluviale,

Considérant que cette orientation n’a pas été remise en cause et qu’elle est même fortement recommandée par toutes les instances ayant à traiter de la question,

Considérant qu’il est tout à fait inutile de traiter des eaux de surface pour les rendre potables à seule fin d’arroser des jardins,

Considérant que la nature est par définition arrosée par de l’eau non potable,

Considérant que depuis les vœux émis par le Conseil de Paris, le Gouvernement a étendu l’usage des eaux pluviales aux toilettes et au lavage du linge (sauf dans certains cas exceptionnels), ainsi qu’à l’arrosage des jardins privilégiant ainsi le recours à l’eau non potable pour ces usages,

Considérant que le décret n’a pas encore retenu l’utilisation de l’eau non potable du réseau spécifique parisien car sa portée est nationale tandis que le réseau parisien est unique,

Considérant cependant que dans le cadre des débats relatifs aux lois Grenelle la question sera posée,

Considérant les utilisations nouvelles potentielles du réseau d’eau non potable, notamment dans la régulation thermique des bâtiments, la lutte contre les îlots de chaleur en période de canicule, etc.

Considérant que la Ville de Paris a toujours déclarée qu’elle souhaitait être exemplaire en matière de développement durable,

Considérant que le rapport reconnaît que l’arrêt du pompage de l’eau non potable dans le Canal de l’Ourcq « peut engendrer des problèmes pour sa gestion » et qu’il conviendrait « d’évacuer les volumes d’eau non potables non prélevés »,

Considérant qu’ainsi la Ville de Paris remettrait en cause une fonction essentielle du Canal,

Considérant qu’il serait particulièrement anti-écologique « d’évacuer » de l’eau non potable plutôt que de l’utiliser,

Sur les coûts :

Considérant que le rapport réécrit par le STEA a délibérément faussé les données relatives à l’état réel du réseau,

Considérant que le montant indiqué dans ce rapport réécrit fait apparaître un coût de remise en état du réseau d’eau non potable de plus de 200 M€,

Considérant que le rapport ne chiffre pas le surcoût nécessaire pour que le réseau d’eau potable remplace le réseau d’eau non potable (branchement des bouches de lavage, raccordement des parcs et jardins, etc.),

Considérant que le rapport a été présenté à la Direction des finances de la Ville de Paris avec une estimation du prix de l’eau non potable à 1,1€/m3 contre 0,92€/m3 pour l’eau potable,

Considérant que dans le calcul du prix de l’eau non potable un facteur de correction a été introduit artificiellement pour augmenter de 0,37€/m3 le prix de l’eau non potable,

Considérant que ce coefficient ne repose que sur des hypothèses fausses et volontairement majorées du taux de fuites du réseau, Sur des raisons particulières,

Considérant que le rapport réécrit ne peut dissimuler tous les enjeux réels,

Considérant que le rapport réécrit précise qu’un des objectifs du report de volume de l’eau non potable sur l’eau potable vise à « diminuer le problème de diminution des vitesses dans le réseau d’eau potable »,

Considérant que le rapport réécrit précise les opportunités foncières qui seraient dégagées par la suppression des implantations des réservoirs ou usine de traitement de l’eau non potable,

Considérant que le rapport réécrit précise qu’il faudrait que le « financement de la dépose soit imputé sur des chantiers de travaux réalisés par d’autres entités » dont les concessionnaires,

__Sur proposition de Yves Contassot et des éluEs du groupe Les Verts, le Conseil de Paris émet le vœu que :

  • Le Conseil de Paris soit respecté dans ses prises de position notamment lorsque les votes sont unanimes,
  • Le Conseil de Paris ne soit pas considéré comme une simple chambre d’enregistrement de décisions déjà prises,
  • Le Maire de Paris mette en place dans les meilleurs délais un groupe de travail sur l’avenir du réseau d’eau non potable, associant l’ensemble des groupes politiques du Conseil de Paris,
  • Le Maire de Paris déclare sans suite l’appel d’offres lancé en décembre 2008 sans aucun débat préalable au Conseil de Paris,
  • Une nouvelle étude totalement indépendante soit conduite d’une part pour apprécier réellement l’état du réseau d’eau non potable et d’autre part étudier de nouveaux usages possibles,
  • Qu’en attendant aucune décision ne soit prise concernant l’avenir du réseau d’eau non potable et tout particulièrement que ne soit pas acté que la ZAC des Batignolles n’aurait pas de réseau d’eau non potable,
  • Le Conseil de Paris intervienne auprès du gouvernement pour que le décret d’août 2008 sur l’usage des eaux pluviales, soit étendu au résau d’eau non potable.__

Une réflexion au sujet de « Va-t-on laver les trottoirs et les égouts à l'eau potable ? »

  1. bravo !
    il faut se méfier de la technostructure, je n’ai jamais compris pourquoi on remettait en cause ce dispositif de lavage à l’eau non potable des trottoirs de Paris envié par toutes les capitales du monde imaginé par nos illustres prédecesseurs ! En terme de développement durable ils avaient pourtant fait preuve d’une sacrée capacité d’anticipation !!!!

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